I. Médiation thérapeutique et processus de symbolisation
(méthodologie heuristique)
Il est nécessaire de situer ce que nous entendons par « groupe à médiation thérapeutique » dans un cadre de références précis.
En effet, la création et la psychanalyse nourrissent des liens étroits et trouvent des points de convergence.
Dans les institutions (qu’elles soient psychiatriques, de rééducation ou d’éducation spécialisée), des « ateliers d’expression créative », de « sociothérapie », ou encore des ateliers « d’art-thérapie » (plus récents) proposent un champ expressif à des sujets en mal d’exister.
Au regard de ces pratiques qui foisonnent, quelles sont donc les spécificités, les contrastes et les constantes des « groupes à médiation » tels que nous entendons les pratiquer ?
Existe-t-il des particularités propres à chaque médium utilisé permettant d’en attendre un travail psychique ciblé sur un aspect particulier plutôt qu’un autre ?
Ces caractéristiques spécifiques à chaque médium orienteraient-elles les indications en fonction des troubles manifestes des publics auxquels elles s’adressent?
Nous proposons de situer notre cadre de référence en trois temps.
Tout d’abord chronologiquement, en restituant succinctement à travers l’histoire de la psychiatrie en Europe ce qu’il en est de la place faite à la création artistique.
Dans un deuxième temps, nous retracerons l’évolution des pratiques et des dispositifs à médiation, de l’utilisation du dessin et du jeu de l’enfant en psychothérapie jusqu’aux pratiques contemporaines.
Enfin, à travers une analyse et une revue de la question plus actuelle, nous évoquerons les modélisations théoriques proposées quant aux constantes retenues dans la pratique des dispositifs de groupes à médiation thérapeutiques référés à la psychothérapie psychanalytique, ainsi que les concepts auxquels se réfèrent notre propos (médium malléable , objet de relation , objet médiateur , objeu, etc.).
Nous précisons que nous avons préféré traiter dans la dernière partie concernant plus particulièrement le champ de la création les rapports entre l’art et la psychanalyse.
1.1 Du XIXième au XXième siècle :
au croisement de l’art et de la psychiatrie
1.1.1 L’art comme décryptage
Dans une perspective médico-légale, nombreux sont les auteurs qui ont étudié les peintures et les écrits comme symptômes.
En France, Charcot et ses élèves7 (1887) en sont les précurseurs.
Ils postulent que la grande névrose hystérique est une affection ancienne dont on peut retrouver les traces iconographiques depuis le Vième siècle dans des œuvres artistiques qui représentent des possédés démoniaques : Giotto, Uccello, Raphaël, Breughel, Rubens…
Il s’agit d’une sémiologie rétrospective dans une sorte de « contrôle » de l’art par la science, et certains peintres comme Rubens sont magnifiés, sémiologie qui conjugue « l’intuition du génie » à une « rare acuité d’observation.»
La preuve est ainsi donnée de l’attribution fallacieuse de possession démoniaque à ce qui était manifestation d’hystérie, et les œuvres du passé sont comparées aux dessins de Charcot (qui dans sa vie avait hésité entre la peinture et la médecine).
Ainsi, la science finit par avoir le dernier mot.
Notons qu’à cette époque, il est fréquent de faire appel à des artistes pour peindre les portraits des fous afin de repérer les signes d’une maladie.
Géricault peint dix portraits de fous entre 1819 et 1823 à la demande de son psychiatre, le Docteur Georget, afin de soigner sa dépression.
A la fin du XIXième siècle en Europe, le génie créateur est non seulement associé à la folie, mais il en est même considéré le plus souvent comme l’expression. La médecine de l’esprit, se muant en critique d’art, conduit à une pathologisation outrancière de toute expression créatrice. La production artistique d’un sujet peut, dès lors, apparaître comme un signe avant-coureur et contribuer ainsi à diagnostiquer la folie.
Seules les données biologiques sont à même de rendre compte de la réalisation d’une œuvre d’art et des modalités techniques qui y ont contribué. Forte de ses nouvelles certitudes, la pensée médicale s’applique à dresser le tableau clinique des grandes figures artistiques de l’époque.
Musset est étiqueté comme « dipsomane » atteint, comme beaucoup d’autres, de « psychose dégénérative épileptoïde » (Odinot, 1906).
Baudelaire, selon Lombroso (1903) est pris pour un « criminel né » et Chateaubriand est qualifié par Tardieu (1900) « d’épuisé précoce ».
La liste serait longue (Balzac, Saint-Simon et surtout Rousseau) de ces créateurs que la science classe nosographiquement.
La causalité directe ici établie entre morbidité et créativité est d’ordre idéologique, postulant abusivement l’existence des liens entre structuration psychopathologique et dynamique créatrice.
Si la connexion entre économie psychique et formes de la création est ainsi établie, il importera de la dégager de la gangue idéologique où elle a pris naissance.
Notes
7.
CHARCOT J-M. et RICHER P. (1887), Les démoniaques dans l’art, Paris, Delahaye et Lecrosnier, nouv. éd. Paris, Macula, 1984.
1.1.2 Folie et Gestaltung :
l’apport de Hans Prinzhorn
Hans Prinzhorn (1886-1933) est médecin psychiatre et historien de l’art allemand. Il étudie et constitue une importante collection « d’art psychopathologique ». Il s’intéresse aux personnes qui créent dans une démarche personnelle et spontanée, n’ayant reçu aucune formation artistique. Il se trouve que ces personnes sont souvent isolées, voire souffrant de psychose.
Ses travaux, cristallisés dans son livre « Expressions de la folie »8 en 1922 bouleversent le regard des artistes et de la société sur « l’art des fous » au XXième siècle.
Ils influencèrent entre autres Max Ernst et les Surréalistes, ainsi que Jean Dubuffet pour initier sa collection de l’Art brut en 1945.
Il est à noter que la collection étudiée (et regroupée) par Hans Prinzhorn est aussi malheureusement connue pour avoir été récupérée et incluse dans l’emblématique exposition d’ « artdégénéré » organisée par le régime nazi en 1937 à Munich et dans d’autres villes.
La collection d’Heidelberg réunit plus de 5000 travaux (Adolf Wölfi, Franz Pohl, August Neter…et tant d’autres). Ses recherches aboutissent à la publication de son livre, une des premières tentatives d’exploration des limites entre l’art et la psychiatrie, entre la maladie et l’expression créatrice.
Il s’intéresse particulièrement à la formation, la naissance des formes dont il donne une conception originale et dynamique dans sa théorie de la Gestaltung. Il propose une psychologie de la mise en forme et avance l’hypothèse d’une pulsion d’expression.
L’expression renvoie, selon une telle perspective, à une puissance subjective que Prinzhorn dénomme Gestaltung.
Vertu inhérente à la psyché, la Gestaltung a des capacités libératrices, créatrices et cathartiques, pour peu qu’elles soient mises en œuvre sans entraves ni contraintes.
Selon H. Prinzhorn, l’artiste ou le patient s’exprimerait dans son œuvre, au sens où il s’agirait de faire sortir une représentation ou une signification préalable à la production artistique.
Commentant cette théorie de la Gestaltung, dans les œuvres d’art comme dans les productions artistiques de personnes psychotiques, Henry Maldiney (1993) souligne que :
‘« La forme n’est pas une structure préétablie, qu’elle ne part pas de quelque chose de tout fait [...] La signification se donne avec la forme, elle ne peut pas être transmise dans un autre langage. 9»’
Comme le souligne A. Brun10, la forme naîtrait de « cette inexistence » (formlesness) qu’a décrite Winnicott (concept qui intéressera Pankow qui le reprendra dans son approche théorico-clinique).
La signification d’une production plastique ne saurait préexister à l’œuvre qui la manifeste.
Si les idées de Prinzhorn ont été décisives pour la prise en compte et la reconnaissance de la création des patients psychotiques (et en ce sens son travail est remarquable), elles n’en demeurent pas moins limitées au niveau explicatif.
L’évocation de la Gestaltung en tant que capacité pour le sujet à générer des formes ne saurait se suffire à elle-même.
La description phénoménologique, pour riche et nécessaire qu’elle soit, appelle à une conceptualisation processuelle des phénomènes psychiques en jeu.
Notes
8.
PRINZHORN H., (1922), Bildnerei der Geisteskranken. Ein Beitrag zur Psychologie und Psychopathologie der Gestaltung, Springer-Verlag Berlin Heidelberg ; tr. fr., Expressions de la folie. Dessins, peintures, sculptures d’asile, Gallimard, 1984, 409 p., NRF.
9.
MALDINEY H. (1993), Art, folie, thérapie, essais de conceptualisation, in Actes du colloque de Montpellier du 18 et 19 novembre 1993, cité par BRUN A. (2010), Introduction, Le carnet psy, Les médiations thérapeutiques, février, n°142, p. 24-27.
10.
BRUN A. (2010), Introduction, Le carnet psy, Les médiations thérapeutiques, février, n° 142, p. 24-27.
1.1.3 De la psychopathologie de l’expression à l’art-thérapie
En 1950, sur l’impulsion du peintre Shwartz-Abris, lui-même malade, le secrétariat d’organisation du premier Congrès mondial de psychiatrie organise à Paris une « Exposition internationale d’art psychopathologique » à l’hôpital Sainte-Anne, à la Sorbonne, et à la maison de santé de Charenton.
Près de 2000 œuvres de 350 malades sont présentées et R. Volmat11 y consacre sa thèse.
La première partie expose le matériel d’études. La seconde le style des dessins et le problème de la forme. Volmat étudie les symboles et les thèmes plastiques, fait la relation de la régression archaïque avec les arts primitifs, puis avec l’art moderne.
A la suite de ce travail, il fonde à Vérone avec Jean Delay la Société Internationale de Psychopathologie de l’Expression (SIPE en 1959) qui favorise la création de la Société Nationale en France (SFPE). Ce courant considère l’œuvre comme un symptôme parmi les autres, susceptible d’être classifié dans une confrontation des documents cliniques, des signes de la maladie, et de la personnalité du malade. La psychopathologie de l’expression s’est attachée à la lecture sémiologique psychiatrique des œuvres de patients (principalement des peintures), l’ensemble se voulant objectif, aboutissant à la constitution d’une « légende » au sens cartographique du terme, parfois fascinée par une scientificité qui serait indemne de projections personnelles…
La SFPE et la SIPE tentent actuellement, après l’avoir récusé fortement, de récupérer le courant de l’art-thérapie qu’ils viennent d’ajouter à leur dénomination.
Nombreuses sont les structures de soin qui proposent aujourd’hui des « ateliers créatifs » ou « d’art-thérapie », que vectorise une démarche expressive et de création qui a des vertus thérapeutiques. Un effet de réparation narcissique certain découle de la construction d’un objet, de son exposition, du mouvement élaboratif que permet la décharge expressive dans l’ici et maintenant.
L’expression renvoie à la décharge des tensions dans l’immédiateté, à une extériorisation émotionnelle qui est recherche de catharsis, orientée vers le geste qui va trouver spontanément une « vérité » dans sa crudité de façon quasi automatique.
Ainsi, ceux qui travaillent dans l’expression sont souvent obligés de la prolonger dans un projet soignant comme par exemple un décryptage des productions en vue de conscientisation.
L’objet, dans sa position d’extériorité, est appréhendé comme le terme d’un processus d’externalisation. Mettre au dehors, projeter hors de soi est ce qui caractérise la fonction expressive, à la fois comme décharge et comme dépôt hors de soi de quelque chose qui vient de soi. On peut exalter, à propos de cette conception de l’objet, les vertus créatrices autonomes de l’expression. Exprimer représente aussi bien un défoulement libérateur qu’une spontanéité régulatrice des échanges de la psyché avec son environnement immédiat (Broustra, 1984).
Pour établir un lien avec la partie précédente, les peintures et écritures autrefois considérées comme signes de folie deviennent alors une modalité pour un mieux-être, une parenthèse pour permettre au sujet d’être dans une rencontre avec lui-même, de retrouver une mise en phase avec sa subjectivité.
Si un individu écrit, peint ou sculpte, ce n’est pas parce qu’il souffre d’une affection psychopathologique. L’expression créatrice chez un sujet malade correspondant au contraire à la tentative de restauration d’une identité et d’une intégrité psychique perturbée.
L’art-thérapie se donne pour but de faire surgir et externaliser les conflits psychiques. L’œuvre prendrait la place d’un langage verbal, c’est le premier point avec lequel nous sommes en désaccord car l’œuvre ne saurait se substituer au langage verbal. Comme le souligne A. Brun12 au sujet de la médiation :
‘« Il s’agit d’activer les processus de passage du registre perceptif et sensori-moteur au figurable, tout en conservant une place privilégiée au langage verbal, soit aux associations du patient dans un cadre individuel, ou aux chaînes associatives groupales dans le cadre d’un groupe. » (p. 25)’
Le second point de désaccord concerne le risque d’amalgamer les processus de création et la créativité propre à chacun. Si l’art permet en effet un accès tout à fait privilégié à l’inconscient chez l’artiste, il n’en va pas de même chez le psychotique qui peut produire lui aussi « en direct », par défaillance du préconscient, mais pour qui les enjeux ne sont absolument pas les mêmes. Il y a à notre sens un risque d’idéalisation du processus de création qui pourrait alors « tout résoudre » et « tout dire du symptôme ». Mais la créativité n’est pas la création et il n’est pas donné à tout le monde de créer, même si chacun à son niveau peut faire œuvre de créativité dans sa vie (cela renvoie à l’espace transitionnel de Winnicott qui nous dit que l’homme ne cesse d’inventer et de faire preuve de créativité dans sa vie à l’âge adulte, à travers les arts, la religion, la culture...)
La créativité impulsée par le thérapeute et qui stimule l’imaginaire souvent défaillant chez les patients (et c’est la raison pour laquelle ils sont en soin et pas artistes) rétablit l’estime de soi et les capacités d’adaptation, renforçant le développement de la personnalité.
Ce n’est pas l’adaptation que cherche le créateur. Mais tant mieux si elle advient pour certains patients. Néanmoins ce n’est pas non plus ce que nous recherchons dans notre pratique.
Il faut également évoquer le risque de séduction narcissique inhérent au groupe s’appuyant sur l’usage des médiations.
Le patient investit en miroir ce qu’il sent être investi par le thérapeute. Le conte, le modelage ou le collage risquent de ne plus être saisis dans leur potentialité propre, mais seulement pour faire plaisir au thérapeute qui les propose. Le sujet se soumet au désir supposé de l’autre et reste dans la conformité au lieu de passer à l’authenticité. Le miroir narcissique bloque les effets transférentiels réels. Prise dans de tels enjeux narcissiques, l’illusion thérapeutique se conforte et se prolonge dans les reflets du même. L’illusion d’une véritable élaboration est d’autant plus grande que les attentes sont fortes. Si la médiation doit être effectivement investie par le thérapeute, elle ne doit pas devenir un leurre. On verrait alors des patients qui évoluent et font des progrès dans la technique picturale, dans le modelage ou dans le maniement de certains objets, mais qui en resteraient au même degré d’immaturité psychique. L’objet utilisé, qu’il soit trouvé ou qu’il soit créé, ne vaut pas pour lui-même, mais pour ses fonctions médiatrices que nous aborderons plus loin.
Autre point de désaccord, il nous semble que dans les ateliers d’art-thérapie et à travers les lectures que nous en avons eu, il est demandé au patient une forme d’adhésion assez forte au cadre, ce dernier étant garant du processus de changement. Or selon nous, les « mises à mal du cadre », les attaques dont il peut être l’objet dans un projet thérapeutique (et donc effets de transfert) attirent toute notre attention, elles doivent être reprises, mise en forme et pensées dans le cadre de la relation thérapeutique.
Aussi, l’art-thérapeute fait des suggestions, guide le travail et l’enrichit de son savoir technique qu’il transmet. Le clinicien doit lui se contenter d’observer ce qui se passe dans le temps de la séance et de se « mettre à disposition » (mettre son appareil psychique à disposition) du patient et du groupe afin de devenir une composante du médium malléable.
Pour le psychologue, toute la valeur du travail réside dans l’expression d’une possible demande du sujet (parfois un travail sur plusieurs années va simplement viser à l’émergence de cette demande, laquelle peut aussi bien ne jamais venir...)
Dans l’art-thérapie, la production d’un objet, d’un texte ou d’une image, qui doit conduire le patient vers une renarcissisation certaine implique que toute l’importance soit alors accordée à la production plus qu’à la relation transférentielle qui l’a permis. La question de la représentation est primordiale. Même si cette conception a des échos dans notre pratique, la question du transfert est pour nous incontournable car c’est à partir de ces processus que le dispositif peut trouver une raison d’exister.
Une dernière critique concerne l’appréhension du groupe. En matière d’art-thérapie, il s’agit souvent d’un travail « en groupe » et non « de groupe » (mais les travaux le citent honnêtement). C’est le lien et le partage qui dynamisent les uns et les autres dans leurs productions dans ce genre d’atelier. Or, pour avoir résisté longtemps nous-mêmes comme nous le constaterons par la suite au travail de groupe (qui intègre alors une réalité psychique groupale avec les fantasmes qui l’organisent et qui révèlent la groupalité interne tant chez les sujets du groupe que du côté du thérapeute), cet aspect ne peut être mis de côté dans ce qui organise les productions des patients.
Peut-être qu’à l’origine de ce débat entre art-thérapie ou ateliers à création et médiation thérapeutique, c’est la question de l’indication qui permettrait de trancher, sans affirmer péremptoirement qu’un dispositif serait plus noble qu’un autre. Il s’agit de pratiques différentes qui ne mettent pas en travail les mêmes processus et dont la finalité n’est pas la même.
Comme A. Brun13 le rappelle, les dispositifs de médiations dits « à création » ne sont fondés ni sur l’exploitation du transfert ni sur une interprétation des processus à l’œuvre. Leurs enjeux concernent un accompagnement du travail des productions, ainsi qu’une centration sur la capacité de créer et de transformer des formes, sans décryptage du sens des productions. Ces ateliers à création se présentent donc souvent comme « ouverts », et certains donnent lieu à des expositions de productions ; ces groupes peuvent éventuellement être animés par des artistes. C’est pourquoi ils se situent plutôt dans la filiation de H. Prinzhorn dont la théorie de la Gestaltung se fonde sur la pulsion d’expression, définie comme le besoin de créer des formes (envisagée par Prinzhorn comme autothérapeutique), en deçà de tout cadre thérapeutique.
Brun souligne :
‘« Ces ateliers de création ne relèvent donc pas d’une pratique de psychothérapie psychanalytique, mais ils peuvent enclencher une dynamique de symbolisation. 14»’
Concernant l’art-thérapie, ces conceptions restent attachées à la phénoménologie et au gestaltisme dont nous ne saurions nier les vertus, mais il nous faut chercher plus avant du côté des travaux qui intègrent le transfert.
En revanche, un autre débat concerne la question des relations entre souffrance psychique et création. Si créer n’est pas donné à tout le monde, parfois en dehors de tout savoir technique, artistique ou culturel (cf. l’art brut), qu’est-ce qui cause la création : s’agit-il d’un mouvement relevant du besoin, d’une nécessité pour la survie psychique de l’auteur, s’agit-il d’un mouvement de désir ? Quelle est l’implication du corps dans la création ?
Nous avons fait le choix de traiter cette question dans la cinquième et dernière partie de ce travail, et nous verrons alors quels éléments la psychanalyse nous indique à ce sujet, lesquels nous permettront d’avancer plus loin dans nos interrogations.
Néanmoins, il nous faut dire quelques mots des travaux de S. Freud au sujet de la création.
Notes
11.
VOLMAT R. (1956) L’art psychopathologique, Paris, Presses Universitaires de France.
12.
Op. cit.
13.
Op. cit.
14.
Op. cit. p. 27.
1.1.4 Les travaux de S. Freud
Nous savons comme le soulignait S. Freud, qu’aucune analyse psychologique ne peut réduire l’œuvre ou l’artiste à un schéma explicatif.
Dans L’interprétation des rêves, S. Freud (1900) s’interroge sur la figurabilité du rêve, la Darstellbarkeit, c’est-à-dire la forme plastique de l’image du rêve. Il fait une comparaison entre le travail du rêve et celui des arts plastiques qui n’ont pas de langage, à la différence de la poésie. Il insiste sur le fait que le passage des pensées du rêve au contenu du rêve s’opère par la figuration et le plus souvent à travers des images visuelles.
Plus tard, le fondateur de la psychanalyse a mis en évidence, avec la « Gradiva » de Jensen (1906) comment les obsessions, les visions délirantes apparaissent et se développent chez le héros en lien avec les mécanismes défensifs qu’il produit.
A plusieurs reprises, S. Freud prend comme objet d’investigation psychanalytique une œuvre littéraire ou plastique mise en rapport avec la biographie de l’auteur afin de dégager quelles problématiques profondes s’y révèlent.
« Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci »15 en est sans doute l’exemple le plus accompli, qui tente une explication de l’art et des recherches de Léonard de Vinci par des mécanismes de sublimation de son homosexualité révélée par le thème du vautour.
‘« Le travail créateur d’un artiste est en même temps une dérivation de ses désirs sexuels. »’
Il s’agit là pour S. Freud de valider les mécanismes mis à jour dans ses cures et démontrer l’universalité de sa découverte.
Il s’agirait de retisser les fils d’une trajectoire psychique, endommagée par les traumas individuels et collectifs. Le « Moïse » de Michel-Ange condense par exemple le courroux du guide du peuple juif devant l’admiration du veau d’or, mais aussi l’ambivalence du sculpteur chargé de créer la statue pour l’installer à la basilique Saint-Pierre de Rome. Cette interprétation n’épuise pas la force de l’œuvre qui fait sens pour l’humanité au-delà même des conflits qui l’ont permise.
En 1913, S. Freud avance que les forces pulsionnelles et donc sexuelles en jeu dans l’art sont les mêmes que celles qui organisent les conflits, qui poussent certains à la névrose et qui amènent aussi la société à édifier des institutions.
Si S. Freud pensait que la psychanalyse n’avait rien à dire sur l’énigme de la création, il considérait que l’artiste allait plus vite et plus loin dans l’expérience des processus inconscients que le psychanalyste, qui, avec sa « science », avait besoin d’un travail long et laborieux.
Plus tard cependant, il s’aperçut que l’artiste ne pouvait pas rendre compte de cette expérience. En revanche, il a insisté sur le travail psychique demandé au sujet par la création et qui constitue un savoir que le créateur méconnaît. Ce qui est important, c’est donc d’expliciter les structures subjectives qui sous-tendent la production artistique.
À partir de quoi le créateur produit-il ? Des impressions et des souvenirs, des traces mnésiques qui sont confirmées par des répétitions thématiques nous dit S. Freud. Cette activité psychique est une activité fantasmatique. Pour S. Freud, la création est donc avant tout un travail de création dans le sens du travail du rêve, du travail du deuil. Mais l’artiste ne sait pas quel savoir organise sa création.
En 1916, il précise dans sa série de leçons :
‘« L’artiste possède en outre le pouvoir mystérieux de modeler des matériaux donnés, jusqu’à en faire une image fidèle de la représentation existante dans sa fantaisie et de rattacher à cette représentation de sa fantaisie inconsciente une somme de plaisirs suffisante pour masquer […] le refoulement.16 » ’
C’est là où, à la différence de l’artiste, le névrosé échoue puisqu’il reste enfermé dans le fantasme. La névrose et toute autre structure symptomatique, par les fixations et déterminations inconscientes qu’elles comportent, constituent alors une structure psychique rigide, sans plasticité.
A la dimension freudienne de l’activité fantasmatique dans la création et à son approche de l’art par le concept de la sublimation, considérons un autre aspect du travail psychique qui est la question des trajets pulsionnels que porte l’œuvre et qui concerne aussi les productions des patients dans le cadre de notre travail.
Le Moi pour S. Freud (1923) est avant tout le « Moi corporel.» Le Moi dérive en premier lieu des sensations corporelles, principalement de celles qui naissent de la surface du corps, surface érogène, sensitive et sensible, source de pulsion : la peau. Le Moi peut être considéré, nous dit Freud (1923), comme « une projection mentale de la surface du corps.» Cette projection représente la surface de l’appareil psychique.
La surface érogène du corps et sa représentation-projectionmentale nous intéressent fortement, puisque par la technique d’expression plastique et l’inscription des trajets pulsionnels, les pulsions viendront se dépliersur une autre surface, celle de la toile du tableau ou sur le volume de l’argile dans la forme sculptée (F. Bayro-Corrochano, 2001).
C’est le corps subjectif et pulsionneldu créateur qui est mis en jeu dans l’œuvre. Ce corps est une surface érogène, une peau sensible, un lieu des traces corporelles et un lieu d’inscription du plaisir et du déplaisir. Il est aussi la surface de la rencontre originaire avec l’Autre, et c’est cette rencontre originaire qui constitue le socle et le creusetde la sensorialité à venir. Les arts plastiques rendent possible l’expression de l’univers des sensations et des émotions, ce matériel pré-verbal qui n’est pas forcément hors langage, grâce à la réconciliation du plaisir et du déplaisir.
Pour illustrer la sublimation, Lacan (1959-1960) évoque le processus qui conduit de l’argile à la poterie, définie comme « l’art du vide. » Cette argile contourne le vide pour y faire le contenant, le pot. La sublimation consiste ainsi à surmonter quelque chose tout en gardant ce qu’on a surmonté. Dans la poterie, il s’agit de surmonter la matière première pour la transformer en objet créé. Cet objet garde intimement la matière elle-même, ici l’argile malgré sa transformation par le feu. C’est le vase qui donne forme au vide. Lacan, à la suite de Heidegger, reprend le paradigme du potier pour illustrer ce qui permet de représenter la Chose et de ne pas l’éviter comme signifiant. Le vase existe depuis toujours dans la culture, il a permis l’introduction des signifiants vide/plein. Le vase est la métaphore de la création à partir du vide, du « rien. »
La sublimation, « c’est changer la qualité de l’objet. »
C’est l’objet de la pulsion qu’il s’agit de changer (nous l’aborderons plus loin).
Nous invitons dès à présent le lecteur à poursuivre cette introduction aux spécificités de la médiation thérapeutique, à travers l’histoire des concepts et pratiques qui en constituent les éléments précurseurs.
Notes
15.
FREUD S. (1910), Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Paris, Gallimard, 1970.
16.
FREUD S. (1916), Cinq leçons sur la psychanalyse, Payot, 2010.
1.2 Les pionniers des pratiques de la médiation thérapeutique référée à la psychothérapie psychanalytique
1.2.1 Le dessin et le jeu dans la psychothérapie de l’enfant
Bien avant l’émergence des pratiques soignantes qui utilisent les médiations artistiques en groupe, les psychanalystes et thérapeutes qui travaillent avec des enfants ont utilisé le dessin et le jeu comme vecteur du processus thérapeutique.
Le dessin et le jeu se présentent comme des supports permettant de médiatiser la rencontre thérapeutique.
Ainsi Mélanie Klein, lorsqu’elle reçoit de très jeunes enfants, leur propose-t-elle outre les jouets, du papier, des crayons et des ciseaux afin d’entrer en contact avec leur inconscient en utilisant son langage après l’avoir interprété. Elle utilise le dessin de l’enfant comme un moyen non seulement d’expression de ses conflits inconscients mais de reconstitution de ces derniers. Ce matériel constitue pour elle un support pour les associations de l’enfant qu’elle met en lien avec son vécu transférentiel. Elle évoque en outre les contenus symboliques des dessins.
Le dessin est donc un moyen pour l’enfant d’expression des tendances réparatrices qui s’inscrivent comme une possibilité de sublimation des pulsions destructrices (en lien avec sa théorie qui décrit les positions schizo-paranoïde et dépressive). La réparation va permettre à l’enfant en proie au sentiment de culpabilité (né des attaques destructrices inconscientes) de préserver et recréer l’objet précédemment attaqué.
Soulignons la fonction tierce et symbolisante du papier et des instruments utilisés dans ce cadre thérapeutique.
Ainsi Mélanie Klein place-t-elle les pulsions réparatrices à la source de la démarche créatrice, en lien avec la résolution de la position dépressive.
Surtout, ce qui attire notre attention est que Mélanie Klein introduit la notion de changement dans les dessins, celui-ci témoignant d’une relation hic et nunc avec les états émotionnels. Les dessins ne sont donc plus le seul témoignage d’un rapport passé. Mélanie Klein pose aussi une autre donnée primordiale : le symbole figuratif va servir d’appui aux émotions exprimées par le dessinateur. Cela confirme la double idée que les traces laissées à travers la matière sont des représentants de l’expérience relationnelle et pulsionnelle présente en même temps qu’elles sont des moyens, des vecteurs, des formes nécessaires pour transcrire ces contenus affectifs bruts.
Si Mélanie Klein (et bien plus tard Françoise Dolto qui utilisera le dessin dans la cure des enfants comme équivalent de l’association libre ou d’un rêve), conçoit son travail avant tout comme l’analyse des jeux et productions de l’enfant, Sophie Morgenstern trace les prémices d’un parcours de création résolutive.
Sophie Morgenstern, présentée comme une pionnière dans l’utilisation du dessin dans la psychothérapie des enfants dans les années 1920, apporte un crédit particulier à cette technique et lui confère un statut de miroir des conflits inconscients de ses petits patients. Cependant, cherchant essentiellement à détecter le traumatisme initial, comme Freud le fit dans sa première théorie de la séduction, elle ne voit dans les dessins d’enfants que des répétitions des scènes familiales et ne prend pas en compte la dimension transféro contre-transférentielle sous-jacente. La trace se fait alors témoin d’un vécu ancien, représentante de vécus traumatiques.
Si l’analyse est pertinente, l’approche thérapeutique de cet auteur est critiquée par A. Anzieu (1996) dans son étude historique de l’analyse des dessins d’enfants. Par manque d’une conscience suffisante de la dimension contre-transférentielle, S. Morgenstern opère à un glissement vers une forme de jugement surmoïque à l’encontre de ses jeunes patients.
En effet, Annie Anzieu insiste beaucoup, avec ses co-auteurs, sur la dimension transféro- contre-transférentielle à prendre en compte et exploiter dans tout travail thérapeutique.
Si Françoise Dolto cultivait un véritable génie pour détecter les pathologies, les dysfonctionnements et les conflits affectifs du dessinateur, chaque dessin était considéré selon elle comme un autoportrait inconscient.
Néanmoins, commente A. Anzieu, si ses interprétations des dessins avaient valeur de portraits psychologiques, ils n’étaient jamais appréhendés en tant que représentants des relations aux objets internes.
Ceci est essentiel, car cela veut dire que si les traces que nous repérerons dans les formes modelées peuvent se faire représentantes de l’image du corps, il n’en demeure pas moins que cette dernière change avec le temps et avec la relation dans laquelle elle se vit, et ceci nous semble primordial.
Mentionnons aussi les travaux essentiels de D. W. Winnicott (qui seront présents en filigrane tout au long de cette recherche), au sujet des phénomènes transitionnels, mais surtout concernant l’invention d’une technique de dessin particulière en psychothérapie avec les enfants : le squiggle. Son originalité consiste à intégrer transfert et contre-transfert dans le processus même : l’ajout d’éléments par l’enfant au gribouillis initial de Winnicott s’effectue en fonction du transfert sur le psychanalyste, et, réciproquement, la transformation par Winnicott du gribouillis de l’enfant relève de son propre vécu contre-transférentiel.
Enfin, il nous faut citer pour terminer sur le dessin, les travaux plus contemporains de G. Haag (1990) avec des enfants autistes, travaux qui seront décisifs pour notre recherche. L’auteur propose une analyse des traces préfiguratives et insiste sur le lien entretenu entre la trace et les acquis ou défaillances psychocorporels de l’enfant qui dessine, et précise que les traces primitives sont aussi révélatrices des structures rythmiques des premiers contenants psychiques.
1.2.2 Les travaux de Gisela Pankow
Il s’agit là d’un auteur qui nous est cher et ses travaux nous ont interpellée, tant par leur originalité que pour le champ qu’ils nous ont ouvert dans la compréhension des psychoses.
Son nom est associé à l’utilisation de la pâte à modeler comme outil technique privilégié. Mais au delà de cette particularité, on méconnaît souvent ce qui l’articule à une théorisation de la « destruction » dans le champ clinique de la psychose, fondée sur la pratique psychanalytique. G. Pankow, dont la formation fut scientifique et philosophique avant d’être médicale et psychiatrique à Tübingen (sous la houlette du Professeur E. Kretschmer), a été imprégnée d’une psychiatrie dynamique, où phénoménologie et gestaltisme s’opposaient à la nosographie descriptive kraepelinienne. Elle a suivi D. W. Winnicott dans son élaboration du champ transitionnel et du « non représentable » (formlessness).
G. Pankow, tout en refusant la thèse d’une origine purement psychogène de la psychose, a cherché une voie d’accès au monde psychotique dans une mobilisation dialectique capable de relancer un processus de symbolisation.
Sa théorisation donne à « l’image du corps » une place opératoire, et fait travailler dans la pâte un imaginaire qui est à « greffer ».
G. Pankow met en avant qu’il ne suffit pas de saisir, et de faire saisir tel ou tel symbole dans le discours du psychotique, ce qui peut le ramener momentanément dans le monde de la réalité (ce qu’a fait M-A. Sechehaye, ou ce qui caractérise la méthode active de Rosen par exemple), pour obtenir une amélioration sinon une guérison. Il faut, écrira-t-elle, l’accès à l’autre, et l’échange avec lui, pour que la vie soit possible. Et cela exige que soit rétablie une dialectique de l’espace, pour laquelle l’image du corps sert de point d’appui, image qui seule permet l’accès à une temporalité vécue. Son « image du corps » est une référence spatialisée d’une structure symbolique dont le dynamisme est à relancer. Elle définit deux fonctions symbolisantes de l’image du corps : de forme d’une part, et de contenu et de sens d’autre part.
G. Pankow travaille toujours dans la dialectique et la dynamique relationnelle, donc aussi toujours dans le dynamisme du transfert.
De même que l’« image du corps », avec ses deux fonctions symbolisantes, n’est pas une image spéculaire, le modelage n’est pas une image projective d’un fantasme à interpréter. Le travail de la pâte est pris comme réalisation agie dans l’espace tridimensionnel de la relation transférentielle implicitement inscrite dans la forme présentée (et non re-présentée) : l’accès à sa fonction éventuelle de représentation est justement ce qui peut être mis en travail pour relancer un processus de symbolisation, et retrouver les traces d’un désir subjectivable.
Il faut d’abord construire, construire un espace qui soit habitable, pour seulement ensuite parvenir à le penser.
G. Pankow définit la dissociation à l’œuvre dans la psychose comme une destruction de l’image du corps telle que ses parties perdent leur lien avec le tout pour réapparaître dans le monde extérieur.
Il existe ainsi chez le psychotique une dialectique non pas entre lui et les autres, mais une dialectique qui concerne la corrélation des parties et de la totalité du corps.
G. Pankow définit un conflit du champ spatial dans la psychose, à l’origine de la dissociation de l’image du corps.
La dissociation se manifeste dans les structures du corps vécu.
L’expérience spatiale du corps est primordiale. Pankow propose d’aborder le « non représenté » (ce qui n’a pas encore de forme dans la psyché) par une dialectique de la structure de l’espace.
L’auteur établit une différence entre le corps vécu et le corps reconnu.
D’une part le corps peut se saisir dans sa manière d’être (il s’agit du corps vécu), il peut se ressentir comme bon ou mauvais, et d’autre part ce corps se situe dans ses rapports avec autrui (il s’agit du corps reconnu).
Le passage du corps ressenti au corps reconnu représente un jalon capital du développement humain. Les deux doivent se lier dans un mouvement dialectique pour que le sujet puisse sortir de la dissociation, laquelle se manifeste dans les structures du corps vécu.
G. Pankow définit l’image du corps par deux fonctions fondamentales qui sont les fonctions symbolisantes, c'est-à-dire des fonctions qui permettent, d’abord, de reconnaître un lien dynamique entre la partie et la totalité du corps (première fonction symbolisante de l’image du corps), ensuite, de saisir au-delà de la forme le contenu même et le sens d’un tel lien dynamique (il s’agit de la deuxième fonction symbolisante de l’image du corps).
Ainsi le thérapeute peut demander au patient de fabriquer quelque chose (par exemple un dessin ou un modelage avec la pâte à modeler). Un tel acte doit avoir pour objectif d’amener la reconnaissance de l’autre chez le patient.
Pankow demande au patient de prendre de la pâte à modeler et de faire quelque chose selon son gré et pour elle. Une telle technique correspond en fait à la règle fondamentale des associations libres dans l’analyse classique, mais se situe sur un plan non verbal. Le modelage peut être interprété comme un message révélant la manière dont le patient vit dans son corps, dans sa relation à l’analyste.
Les désirs inconscients du patient se cristallisent autour d’images dynamiques qui permettent de réparer la dissociation de l’image du corps et de rétablir les relations à autrui ; Pankow les appelle des « phantasmes », à distinguer des fantasmes comme productions imaginaires passagères, ne concernant pas nécessairement le corps. Pankow, par la technique du modelageou du dessin, introduit les patients dans l’espace du jeu (playing) ou l’espace potentiel, même si l’objet modelé n’est pas un objet transitionnel à proprement parler, à la fois trouvé et créé (Winnicott). L’objet modelé et le dessin, tout comme l’objet transitionnel, doivent favoriser le processus de symbolisation.
Nous reviendrons sur ces travaux en les illustrant de nos vignettes cliniques (en particulier le cas d’Elsa). Il nous faut à présent aborder le concept de médium malléable, proposé par M. Milner puis retravaillé par d’autres auteurs (en particulier R. Roussillon) pour pouvoir ensuite entrer dans le cœur de la médiation thérapeutique.
1.2.3 Le médium malléable
Marion Milner (1979), en appui sur ses travaux concernant la peinture d’une part et confrontée d’autre part à une clinique qui mobilise un contre-transfert où domine le sentiment d’être traitée, ainsi que les éléments concrets de la salle de jeu comme des objets manipulables et transformables à souhait par un de ses jeunes patients, comprend qu’il lui faut changer d’orientation interprétative et concevoir, au-delà d’une fonction défensive, un besoin dans le transfert d’utiliser l’analyste et son cadre de façon analogue au médium de l’artiste.
Ce médium se définit comme :
‘« Une substance intermédiaire au travers de laquelle des impressions sont transportées aux sens » 17. ’
Ainsi, l’analyste est utilisée par le patient dans l’emprise, comme une « matière malléable » à des fins d’organisation de sa cohérence interne. Le transfert est défini comme une illusion féconde fusionnant, par le symbole, une part de la réalité intérieure et une part de la réalité extérieure, ainsi qu’il en est de la peinture pour le peintre.
Marion Milner précise que cette substance malléable, à laquelle on peut faire prendre la forme de ses fantasmes, peut inclure la substance du son et du souffle qui devient notre parole.
Elle définit le médium malléable comme une possible utilisation du cadre matériel, mais aussi comme une modalité d’utilisation du thérapeute. Le médium malléable renvoie donc conjointement à la matérialité du cadre et à la dimension transférentielle.
A sa suite, R. Roussillon (1991) reprend le concept de médium malléable qu’il redéfini. Il souligne que M. Milner a introduit l’idée d’un objet médiateur, qui, par sa matérialité spécifique offre la possibilité de matérialiser la problématique interne d’un sujet par la mise en forme du matériau proposé.
Il dégage les cinq caractéristiques qu’il attribue au médium malléable : indestructibilité, extrême sensibilité, indéfinie transformation, inconditionnelle disponibilité et vie propre.
A ces caractéristiques générales, Roussillon rajoute une propriété fondamentale : le médium malléable transforme les variations de quantités en qualités.
Ainsi, il émet l’hypothèse suivante concernant la fonction du médium malléable dans le processus de structuration de l’espace psychique :
‘« Le médium malléable, objet externe défini par l’ensemble des cinq propriétés, est l’objet transitionnel du processus de représentation.18 » ’
Selon l’auteur, le médium malléable matérialise la représentation de chose de l’activité représentative, désigne l’existence d’objets matériels qui ont des propriétés perceptivo-motrices susceptibles de rendre perceptible et manipulable l’activité représentative.
Il nous faudra garder à l’esprit tout au long de ce travail cette définition, car c’est un élément très important : dans le cadre de thérapies médiatisées, le médium malléable est le cadre et le thérapeute à la fois.
Le concept de médium malléable apporté par Marion Milner rend compte de la manière dont le sujet peut se dégager de l’objet en y imprimant et en y contemplant de manière transitoire sa marque en négatif, véritable image spéculaire en creux.
Ce médium malléable, ce peut être la mère ou, à défaut, le dispositif thérapeutique. Il se caractérise par son aspect vivant, indestructible, sensible, souple et transformable indéfiniment. Le médium malléableparticipe au système pare-excitation puisqu’une substance malléable est par définition une substance d’interposition à travers laquelle les impressions sont transmises aux sens. Il renvoie à un objet sur lequel le sujet peut laisser son empreinte en ayant l’illusion d’une fusion totale avec l’objet avant de le lâcher.
La matière terre, de par sa qualité d’élasticité, est propice à mobiliser les enjeux de la relation fusionnelle et ceux de son dégagement. Ce matériau permet une perte des limites (fusion) puis un soulagement dans la défusion : on peut le serrer d’amour ou de haine (malaxer, taper), sans crainte de vengeance en retour, sans crainte de l’avoir endommagé (capacité d’autorestauration de l’objet).
Tout en disposant de sa propre élasticité, la matière terre ne confronte pas celui qui la manipule à la question de la réciprocité et lui évite les angoisses d’un possible retour vis-à-vis de son agressivité.
Le concept de médium malléablepeut être entendu en termes de mère suffisamment bonne (Winnicott), c’est-à-dire savoir s’offrir au sujet comme séparable et malléable afin de l’aider à établir progressivement, au travers d’expériences successives et ménagées de fusion et de défusion, l’écart interpersonnel et intersubjectif qui lui est nécessaire pour devenir une personne.
Revenons un instant sur les cinq caractéristiques principales qui définissent le médium malléable. Au risque de nous répéter, elles sont : l’indestructibilité, l’extrême sensibilité, l’indéfinie transformation, l’inconditionnelle disponibilité et enfin l’animation propre. Ces caractéristiques peuvent être décrites séparément, mais leur rapport d’interdépendance les unes par rapport aux autres est essentiel pour que le médium malléable prenne toute sa valeur. Par exemple, le caractère vivant du médium malléable dépend de son indestructibilité, de celle-ci et de sa sensibilité dépend son indéfinie transformation, etc.
La première caractéristique est l’indestructibilité. Cette propriété doit être rapprochée de ce que formule D. W. Winnicott à propos de l’utilisation de l’objet. L’objet doit pouvoir être atteint et détruit (il change de forme) mais il doit « survivre ». C’est à cette condition que sa nature particulière (la malléabilité, l’indéfinie transformation) sera découverte, qu’elle deviendra utilisable pour représenter la fonction représentative. Grâce à son indestructibilité, le médium malléable transforme les quantités en qualités. Un coup de poing donné à un morceau de terre aplatit celui-ci sans le détruire, il change sa forme en s’adaptant à la force.
Si la destructivité doit pouvoir s’exercer à son encontre sans retenue et sans destruction, le médium malléable doit aussi pouvoir être d’une extrême sensibilité. Non altéré dans sa nature fondamentale par de grandes quantités d’énergie, il témoigne en même temps d’une extrême sensibilité à toute variation quantitative. Il suffit en effet de bien peu d’effort au sujet pour changer la forme du morceau d’argile. La sensibilité est aussi la seconde caractéristique requise par D-W. Winnicott pour l’utilisation de l’objet.
Si le médium malléable doit être à la fois indestructible et extrêmement sensible, c’est qu’il doit pouvoir être indéfiniment transformable tout en restant lui-même. L’indéfinie transformation est la capacité à prendre toutes les formes. L’argile est manipulable et transformable à l’infini sans être altérée ou détruite par cette transformation. L’expérience de son indéfinie transformation ne peut s’effectuer que si le médium malléable est inconditionnellement disponible.
La dernière propriété, sans doute plus difficile à penser car elle résulte de l’interdépendance des autres, est le caractère vivant du médium malléable. Bien qu’en lui-même le médium malléable soit une substance inanimée, il est nécessaire que le sujet puisse le considérer à un moment ou à un autre comme une substance vivante, animée.
Toutes ces caractéristiques paraissent jouer comme des atténuateurs des angoisses de séparation et de différenciation, conjointement aux différentes défenses que le sujet peut lui-même instaurer pour lutter contre ces mêmes angoisses.
Le concept de malléabilité s’inscrit donc dans une réflexion sur la séparabilité de l’objet.
La psychose confronte le sujet à la rencontre avec un objet énigmatique, c’est-à-dire un objet qui précisément n’est pas malléable, ne se laissant pas affecter ou toucher et n’acceptant pas l’inscription. Nos dispositifs de soin doivent donc être suffisamment malléables pour essayer d’y remédier. L’analyse des cas cliniques montrera combien l’activité représentative des personnes dont il est question est extrêmement carencée du fait d’une faille d’une ou plusieurs des propriétés du médium malléable.
Notes
17.
MILNER M., (1977), Le rôle de l’illusion dans la formation du symbole, tr. fr. (1979) in Revue de Psychanalyse, n°5-6, p. 844-874.
18.
ROUSSILLON R. (1991), Un paradoxe de la représentation : le médium malléable et la pulsion d’emprise, in Paradoxes et situations limites de la psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France, p. 130-146.
1.3 Les travaux contemporains
Nous l’avons constaté, les « ateliers à médiation » ont le vent en poupe dans de nombreux secteurs, dans les institutions de soin en particulier (nous limiterons notre propos à ce champ thérapeutique qui est celui qui nous concerne). Mais le terme de « médiation » n’est pas un concept psychologique ni psychanalytique, et ne réfère pas en particulier à une pratique ou un champ clinique déterminé. S’il existe « beaucoup de pratiques » toutes aussi diverses que variées, il existe encore trop peu de travaux théoriques traitant de la question et référencés à la psychothérapie psychanalytique.
Parcourant les travaux des cliniciens qui proposent une théorisation sérieuse de ce qui opère, au delà de la catharsis, dans les cadres-dispositifs inventés (non moins sans rigueur), nous souhaitons proposer une revue de question cette fois-ci sous un angle contemporain.
Qu’entendons-nous par « groupe à médiation »?
Qu’est-ce qui fait médiation, quelle serait la substance du médium propre à mettre en travail un aspect particulier des failles sur lesquelles achoppent les patients au regard de leur histoire et qui serait propice à l’avènement d’un temps de réaménagement psychique ?
Les déterminations et dénominations de ce qui opère et qui concernent tour à tour l’« objet médiateur », « objet de relation », objet transitionnel peuvent être source de confusion pour le novice qui s’aventure dans le « bricolage » d’un dispositif (bricolage étant entendu de manière non péjorative, du côté de ce qui fait créativité dans la rencontre d’un praticien clinicien, d’une matière et de sujets qui ne sont pas à même de s’exprimer dans un dispositif thérapeutique traditionnel).
Alors si des psychologues cliniciens et des psychanalystes contemporains praticiens de groupes à médiation ont avancé des pistes de théorisation psychanalytique de différentes formes de médiation, sans aucune prétention d’exhaustivité, nous proposons d’aborder dans leurs grandes lignes ces apports.
Pour cela, nous traiterons la question en nous appuyant sur les travaux qui nous semblent fonder tant la consistance que la solidité théorico-clinique de la pratique des groupes à médiation et telle qu’elle a été mise en travail depuis une vingtaine d’année par l’école lyonnaise, à partir des travaux sur la symbolisation.
Cette symbolisation, nous la savions depuis S. Freud « secondaire » (de la représentation de chose à la représentation de mots, et la question de la sublimation), elle concernait surtout ce qui permettait à un sujet d’aborder l’Œdipe et de se structurer sur ce mode.
Mais les « restes » ou les ratés de ces processus, qui échappent aux sujet qui achoppent sur cette difficulté ou bien plus précocement sur celle de la différenciation, se situant tout à fait « en deçà », coincés dans une organisation prégénitale, témoignant de problématiques bien plus archaïques, viennent interroger les mécanismes psychiques de la symbolisation.
A partir des travaux présentés dans la partie qui précède, d’autres ont depuis proposé une modélisation, essentiellement à partir d’une pratique avec des patients autistes, psychotiques ou « border-line », de l’existence de formes et de processus de symbolisation qualifiés de symbolisation originaire (Chouvier, 1997), puis symbolisation primaire. C’est aussi à partir des œuvres d’artistes et de créateurs, et à travers les travaux de cliniciens formés à la psychanalyse qui se sont questionnés sur ce processus et son surgissement que ces apports ont trouvé un ancrage.
Ils ont mis en évidence que le travail thérapeutique proposé peut se faire en deçà des processus de symbolisation secondaires vectorisés par le langage. Si la cure analytique utilise le langage comme constitutif du dispositif, nous verrons que tout en restant le modèle princeps dans ses fondements (en particulier en ce qui concerne la règle fondamentale et le travail de l’associativité), les pratiques de la médiation constituent un soin à part entière et qui n’est pas étranger au dispositif analytique.
D.W. Winnicott, précurseur, l’avait pressenti et présenté dans son article au sujet de « la crainte de l’effondrement.» Les expériences primitives, non symbolisées, d’ordre sensori-affectivo-moteur et hors du champ du langage se trouvent réactivées au sein des dispositifs et peuvent alors trouver là un premier support d’inscription, une première tentative de figuration à travers le langage du corps, de l’affect, la mise en jeu de la sensori-motricité.
Par ailleurs, les travaux de Pierra Aulagnier (1975), qui mettent en évidence les processus psychiques propres au champ de l’originaire, avec la notion de pictogramme, constitueront un apport princeps pour aborder les mécanismes de la symbolisation dans notre recherche.
Notre revue de question propose une synthèse des théorisations qui, outre la pertinence et la créativité propres à chaque auteur, ont guidé notre recherche.
Nous nous réfèrerons tout d’abord aux travaux de Bernard Chouvier pour sa réflexion et son apport au sujet des processus de symbolisation à l’œuvre dans les cadres-dispositifs thérapeutiques à médiation.
Nous aborderons ensuite les travaux d’Anne Brun qui propose une théorisation du travail engagé par la médiation picturale dans la psychose infantile et en particulier sur ce qu’elle développe autour de la sensori-motricité et de la réactivation des traces de l’hallucinatoire et du lien à l’objet primaire.
Il sera aussi question des travaux de Patricia Attigui qui propose l’expression théâtrale comme médiation en milieu psychiatrique à des patients psychotiques.
Il ne nous est pas possible de citer tous les travaux dignes d’intérêt (ceux d’Edith Lecourt qui utilise la musique, de Guy Lavallée la vidéo, de Pascal Le Malefan les marionnettes)... que ceux qui n’apparaissent pas dans cette revue de question n’en soient pas offensés, nous les avons bien « en tête », car croisés au fil de nos recherches et lectures, ils ont contribué à enrichir notre pensée.
Concernant les travaux propres au travail de la terre (Bayro-Corrochano, 2001) ou du modelage (Sophie Krauss, 2007), nous leur réservons une place particulière dans la partie qui concerne les qualités et propriétés symboligènes de la matière terre et du modelage.
1.3.1 La symbolisation
1.3.1.1 Les processus de symbolisation primaire
La représentation de l’objet fondée sur l’absence (la perte) est déjà une forme élaborée du processus de symbolisation. Avant cette symbolisation (et pour qu’elle puisse avoir lieu), il existe un « temps primaire de symbolisation », qui prend appui sur le double étayage de l’activité perceptivo-motrice et sur la réponse active de l’objet (l’autre sujet).
En utilisant la matière terre pour jouer avec des sujets en panne de symbolisation, on leur propose un objet qui tient compte à la fois de la réalité externe (la terre en ce qui nous concernera) et de la réalité interne en se prêtant à la projection de leurs désirs inconscients, en lui donnant forme. Cette forme est non seulement un représentant de leur capacité représentative, mais elle se soumet à la destructibilité, à la transformation, à tous les possibles, c’est un acte de symbolisation.
Le but n’est pas de conserver une représentation-chose, mais de découvrir, à travers le modelage et le remodelage, un processus de représentation.
La terre, matière à toucher et malaxer, à mettre en forme, se prête à tout, se plie aux désirs conscients et inconscients avec une fidélité absolue. Toucher la terre, la lisser, la caresser, la mouiller, la pétrir, la triturer, la mettre en miettes, la coller, la mettre en boule...
Certains feront alors leurs premiers pas sur la voie de la symbolisation grâce à un outil transformable à l’infini.
Le dispositif groupal de médiation par la terre permettrait une résurgence des expériences précoces non symbolisées (qui ont été vécues dans le corps mais pas sur le plan psychique), lesquelles s’expriment à travers la sensorialité.
Nous postulerons plus loin, en appui sur d’autres travaux, qu’il y aurait retour des fixations originaires et des agonies primitives dans le mode d’entrer en contact et d’utilisation du sujet avec le médium malléable.
Cette matière étant présentée par un autre sujet, il y aurait transformation de ces éprouvés corporels archaïques dans et par le dispositif.
Les processus psychiques se déployant à l’intérieur du dispositif permettraient de retracer les étapes du travail de symbolisation dans le registre primaire : de l’adhésivité à l’identification projective. Les formes modelées obtenues à ce stade s’apparentent à des traces-contact (S. Tisseron, 1995), des traces mouvements qui signalent que l’on se trouve à niveau psychique de pré-représentation.
Il apparaît nécessaire à ce stade d’introduire quelques réflexions au sujet du concept de symbolisation.
Nous prendrons comme point de départ les travaux de B. Chouvier (1997) qui propose la notion de symbolisation originaire afin d’introduire le concept de symbolisation primaire (R. Roussillon, 1991, 1995, 1999).
Il s’agit-là d’une introduction qui nous permet d’avancer les éléments nécessaires à la compréhension des mécanismes mis en jeu dans le travail thérapeutique par la médiation. Nous aurons donc l’occasion dans l’avancée ultérieure de notre travail et dans la partie de reprise clinique d’aborder plus en profondeur les processus psychiques propres à la symbolisation primaire à partir d’autres travaux (ceux de P. Aulagnier (1975), ainsi que les développements que proposent A. Brun, R. Roussillon et d’autres auteurs).
B. Chouvier (1997) propose une analyse des modalités précoces des processus psychiques de symbolisation.
Il avance que dans un cadre thérapeutique, si l’enfant peut activer dans le jeu son espace interne de symbolisation, celui-ci pourra trouver une issue favorable à la crise qu’il traverse. S’il ne peut y parvenir, c’est sur la mise en place de l’espace de symbolisation que doit porter le travail clinique, ou sur son ouverture lorsqu’un tel espace a été obturé ou effracté.
C’est avec la construction du self et le développement des différentes enveloppes psychiques que s’ouvre l’espace représentatif de l’enfant, espace au sein duquel est repérable ce que B. Chouvier désigne comme :
‘« […] une capacité symbolique originaire, sans laquelle les diverses strates psychiques ne peuvent se constituer selon des axes de structuration et de fonctionnement capables d’assurer à l’enfant le plein exercice de ses potentialités, tant au plan des apprentissages que de l’épanouissement personnel. 19» (p16)’
Au cours de la construction de l’appareil psychique, se mettent en place les différents feuillets internes de l’enveloppe psychique, qui seront les garants du bon fonctionnement psychique et de son adaptabilité aux différentes variations de l’environnement.
La constitution du système inconscient et de sa diffusion non effractive dans la psyché en dépend, ainsi que de la formation des couches pares-excitantes du self. Il s’agit pour l’enfant d’intérioriser l’expérience des relations précoces à l’objet primaire. Cela permettra l’établissement de la fonction contenante du self.
B. Chouvier précise :
‘« Dans tous les cas, c’est le sein maternel qui représente la matrice originaire de toute contenance. La psyché ne peut fonctionner comme contenante, contenant des pensées, des représentations, des affects, qu’à partir de l’introjection réussie du contenant originaire. Le sein est le premier cadre de circonscription et de délimitation de l’espace psychique et qui fonctionne également, par là même, comme cadre d’inscription. » (p. 18)’
Toute enveloppe psychique a un caractère d’interface (D. Anzieu, puis D. Houzel). Si l’enveloppe protège la psyché de la violence des flux excitatoires, elle constitue, sur sa face interne, une surface malléable où s’impriment les sensations et les expériences qui fondent toute signifiance. Une telle conception offre un mode de compréhension de la semi perméabilité des barrières psychiques, capable aussi de rendre compte de leur fermeture dans la mise en œuvre défensive des carapaces.
Comment prennent place, dans le cadre de la genèse des enveloppes psychiques, les processus de symbolisation ?
B. Chouvier nous dit que :
‘« [...] Le symbole correspond à la mise en lien, à la rencontre féconde psychiquement entre deux réalités, deux objets de nature complémentaire mais jusqu’ici séparés. Le pontage réussi entre ces deux réalités, ou ces deux objets, est le signe d’une élaboration psychique et d’une évolution maturante pour l’enfant. » (p 18)’
L’élément autour duquel s’organise la symbolisation dans son aspect premier est désigné par le terme de gestalt originaire. Il s’agit d’une forme qui renvoie à d’autres formes mais bien plus encore. L’auteur prend l’exemple du « ballon ». L’enfant qui prononce le mot pour la première fois en rapport avec la chose s’en servira aussi lorsqu’il croisera, avec jubilation, un panneau de circulation ou toute autre forme ronde. Mais plus encore que la forme, cette gestalt (rond) renvoie aussi à la contenance. Ce qui caractérise une chaîne symbolique ne se réduit en rien au simple jeu des contenus de représentations de choses et de représentations de mots qui s’inscrivent au creux d’une gestalt originaire.
‘« Ainsi la gestalt de rondeur se définit d’abord et avant tout par sa fonction contenante, c’est-à-dire ce qui la rend capable d’inférer, capable de générer et de porter tout le jeu symbolique autour des formes rondes. » (p. 20)’
Une gestalt n’est jamais réductible au contenu, ni au contour d’une chose ou d’un objet. Il est décisif de constater que toute gestalt :
‘« [...] en tant que forme inductrice d’un contenant psychique, dépasse, transcende tout objet concret. » (p. 21)’
La gestalt précède l’objet perçu ou représenté et en ce sens elle est la condition d’existence de l’objet dans l’appareil psychique. L’introjection des gestalts originaires permet l’inscription et la permanence des traces mnésiques à partir desquelles se construit la représentation.
‘« La gestalt originaire, appréhendée au sens premier comme une bonne forme, se définit par sa prévalence et sa préséance à l’objet. Grâce à elle et à son intégration par le jeu des bonnes introjections des expériences premières, la psyché de l’enfant est capable d’inscrire en elle tous les objets à venir. Elle est ce qui fonde la capacité symbolique, en déterminant à la fois les potentialités psychiques représentatives et leurs liaisons associatives. » (p22)’
B. Chouvier souligne qu’il est alors possible de distinguer trois registres élémentaires du process de symbolisation : celui de l’expression, celui de la signifiance, et enfin le dernier correspond à la configuration du relationnel (p 24).
L’approche globale du process de symbolisation permet de mieux saisir les liens entre le registre pulsionnel et la structuration du penser.
Néanmoins et comme il le souligne, si l’activation de la capacité symbolique de l’enfant est possible elle permet des transformations internes, si tant est que le clinicien puisse repérer et comprendre la logique personnelle mise à l’œuvre dans telle ou telle manifestation symptomatique. En revanche, les effractions psychiques précoces, les traumatismes graves sont plus dommageables, car les processus de liaison ont été rompus, voire même la capacité symbolique originaire atteinte. B. Chouvier nous dit que :
‘« Dans de tels cas, la démarche clinique est longue et difficultueuse, qui conduit au remaillage et au raccordage des filets de la symbolisation, et surtout elle n’est réalisable que par la mise en jeu de dispositifs thérapeutiques complexes, basés sur une construction externe de la capacité symbolique. » (p25).’
Cette notion de construction externe de la capacité symbolique est tout à fait en lien avec la matière qui constitue notre recherche et ses hypothèses.
Lorsque la capacité symbolique originaire est « en panne », comment faire advenir du symbolique à des sujets en proie aux effractions psychiques quasi permanentes tant internes qu’externes ?
Au départ, S. Freud réduit la symbolisation à l’organisation d’une liaison entre représentation de chose et représentation de mot. Vient ensuite l’hypothèse d’une trace perceptive différente de la trace inconsciente et se profile alors un autre type de symbolisation, constitué par le travail spécifique de liaison entre ces deux traces. A ce niveau, la symbolisation ne relie pas l’objet à la représentation, mais deux types d’images de l’objet, deux traces différentes de l’objet : c'est la symbolisation primaire (dont le travail du rêve est une illustration), qui s’étaye sur la perception, la matérialisation et la motricité.
René Roussillon (1995), avec sa conception de la symbolisation primaire, éclaire la complexité de ces processus primaires. La symbolisation primaire désigne le processus consistant va créer des représentations de choses, ou des représentations-choses, à partir de l’hallucination primaire. La symbolisation primaire est une activité de liaison entre une trace mnésique et une représentation de chose ; elle transforme des traces perceptives en représentations de choses (la symbolisation secondaire consistant en une liaison entre représentation de chose et représentation de mot). La représentation de chose résulte de la conjonction d’une hallucination avec une perception analogue, ce qui produit une transformation de l’hallucination : l’hallucination est transformée en illusion (au sens de Winnicott, 1951, 1971), dans le contexte du « trouvé-créé » décrit par Winnicott, et qui suppose que l’objet, suffisamment adapté, satisfasse le bébé au moment où celui-ci éprouve le besoin de satisfaction. L’illusion, transformation d’une hallucination de par sa coïncidence avec une perception analogue, ouvre le champ à la production de symboles primaires. La symbolisation primaire suppose ainsi un temps transitionnel, entre l’hallucination et la représentation de chose.
Les traces mnésiques d’expérience de satisfaction comme d’insatisfaction, sont réactivées par la contrainte de répétition (Freud, 1920), et poussent à la symbolisation, exigent un travail de symbolisation primaire, de création de symboles primaires, de représentations de choses. Et celui-ci nécessite un passage par l’objet, une extériorisation dans la chose. Le rôle de l’objet est ainsi fondamental pour la symbolisation primaire. Si l’objet satisfait, il propose une coïncidence entre hallucination et perception, ce qui produit une illusion. Le terme winnicottien de « trouvé-créé » décrit cette coïncidence entre une hallucination de la satisfaction et une perception analogue. René Roussillon (1991, 1995, 1999) propose une autre détermination, celle de « détruit-trouvé », ou « détruit (re)trouvé » pour désigner la rencontre entre l’activation d’une trace perceptive toxique et une expérience de satisfaction réelle. Le « détruit-trouvé » correspond au démenti perceptif de la destructivité primaire, de l’insatisfaction primaire (le sujet détruit, mais l’objet survit). Si l’objet échoue dans cette fonction de production de coïncidence, ou de « présentation des objets », comme l’indique Winnicott (1962), si l’objet échoue à démentir l’hallucination primaire d’insatisfaction et de destruction, il se produit alors un « enkystement narcissique primaire des expériences antérieures alors condamnées à être activées hallucinatoirement et à harceler persécutivement l’appareil psychique. » (Roussillon, 1995).
La symbolisation primaire est le processus qui fait passer de la chose à sa représentation-chose sur le plan psychique. Les processus de symbolisation primaire s’appuient sur la question essentielle du mode de présence de l’objet (éléments perceptifs et investissement de l’objet), pour faire « le travail de mise en forme perceptive », de transformation motrice qui va rendre liable, symbolisable la chose psychique interne.
Comme le souligne René Roussillon (1997), en partant du modèle de l’hallucination première, le premier mouvement de la psyché résultant de l’investissement de la matière psychique par la pulsion consiste donc à mettre au-dehors ce qui s’est imprimé au-dedans pour pouvoir commencer à s’en saisir.
L’hallucination travaillera le corps biologique jusqu’à en faire un corps psychique marqué par le fantasme.
La symbolisation primaire est donc représentée par des mouvements et des traces, par une certaine rythmicité (en deçà de la contenance). En effet, le travail psychique de la symbolisation n’est pas seulement verbal. Il est aussi visuel et sensori-moteur dans la mesure où il prend appui sur des représentations imagées et des représentations d’actes.
Au tout début de la vie, affects et représentations sont indissociables sur le plan psychique. En effet, les figures de la représentation, depuis leur substrat corporel primitif jusqu’à leurs destins psychiques les plus élaborés, sont toujours construites, enracinées, articulées dans les interactions psychiques et psychisantes avec l’objet. Ces figures de la représentation exercent aussi un pouvoir de transformation de la sensorialité et du corps vécu le plus archaïque, significations affectives transformées en formes gestuelles ou langagières.
D’un univers « tout sensoriel » à une « prédisposition de l’espace transitionnel », la matière terre permet de dépasser l’expérience du sensoriel et d’accéder à la fonction de représentation, notamment représentation de l’espace et des états du corps, en référence à ceux de l’appareil psychique groupal, pour tenter une transformation des sensations corporelles en « expérience psychique.» La représentation se joue au niveau des objets internes (même partiels), c’est-à-dire lorsqu’un espace interne est constitué. Avant cela, la personne se présentant comme une surface psychique qui n’a d’existence que collée contre un autre psychisme, toute activité représentative est impossible.
Notes
19.
CHOUVIER B., (1997), La capacité symbolique originaire, in ROMAN P. et al., Projection et symbolisation chez l’enfant, Presses Universitaires de Lyon, 188 p., L’autre et la différence, p. 15-25.
1.3.1.2 Les actes symboliques
Dans la construction groupale de l’objet médiateur, il est nécessaire d’interroger la dimension relationnelle proprement dite.
En quoi et comment l’objet matériel condense-t-il les modalités singulières du rapport à l’objet pulsionnel ? Comment l’objet primaire se profile-t-il derrière l’objet médiateur ?
B. Chouvier (2007) nous dit :
‘« L’objet médiateur est objet de représentance de l’objet »20.’
La façon dont il est traité témoigne de l’état actuel des relations à l’intérieur du groupe comme nous le confirmera la mise à l’épreuve de cette hypothèse. Aussi importe-t-il au plus haut point de repérer et d’analyser la manière dont chacun des participants traite l’objet, quand le groupe n’est pas encore constitué comme tel. Par la suite, c’est le fonctionnement groupal lui-même qui va inférer directement la manière d’utiliser l’objet et de l’impliquer au sein des relations transférentielles.
Une place particulière doit être faite aux actes symboliques (Chouvier, 1997). Dans le travail groupal médiatisé, les processus psychiques de la symbolisation nécessitent d’être externalisés dans des actions repérables et interprétables comme telles. L’acte n’est pas ici synonyme de court-circuitage du penser, mais au contraire le passage obligé pour accéder au penser.
L’étayage sur le corps et la gestuelle permet de déployer d’abord spatialement ce qui va par la suite se temporaliser pour pouvoir être introjecté comme moment d’une processualisation.
B. Chouvier repère trois types d’acte symbolique qui sont à reconnaître en priorité : ceux qui concernent la substitution, ceux qui touchent la séparation et enfin ceux qui ont à voir avec la sublimation. Le travail psychique de métaphorisation repose sur la plasticité des représentations. Jouer sur le déplacement, remplacer une image par une autre renforce cette plasticité. Chacune de ces opérations de substitution est délimitée, répétée, voire ritualisée dans les différents moments de la séance, afin qu’elle puisse être introjectée comme acte du penser.
Notons bien qu’il ne s’agit nullement de rites stéréotypés, mais d’actions créatrices à valeur symbolisante. Ce type de ritualisation intégratrice est à même aussi bien de réfréner les élans maniaques que de stimuler une symbolisation arrêtée, car il mobilise d’abord tout le corps et développe une mimo-gestuelle adaptée, avant que l’action puisse être psychisée.
Dans le groupe, toutes les actions consistant à détacher, découper, déchirer, participent de la séparation. L’objet demande à être attaqué, dépecé, rompu, brisé, pour pouvoir être ensuite réparé et réunifié. La continuité du lien avec le thérapeute et avec le groupe ouvre la voie ici à la mise en place d’une relation d’objet stable qui n’est plus affectée par les absences réelles. La séparation, mise en sens dans les actes symboliques autour de l’objet médiateur et dans leur verbalisation, s’internalise, peu à peu, comme structurante.
Ces actes symboliques seront repérables au sein de notre dispositif et nous en proposerons une modélisation, en les répertoriant et les articulant aux processus psychiques dont ils témoignent (ils seront formalisés au sein de la grille de lecture présentée en quatrième partie).
Notes
20.
CHOUVIER B. (2007), Dynamique groupale de la médiation et objet uniclivé, in PRIVAT P., QUELIN-SOULIGOUX D., Quels groupes thérapeutiques ? Pour qui ? Erès, 208 p., p. 19-32.
1.3.2 L’appareil psychique groupal : de l’enveloppe psychique individuelle à l’enveloppe psychique groupale
Les principaux auteurs qui ont travaillé la question du groupe et auxquels nous allons nous référer sont D. Anzieu (1981) et R. Kaës (1976, 1993, 1994).
Concernant le traitement des données des sens et les conditions d’apparition de la pensée, D. Anzieu (1975) met l’accent sur le contenant des pensées plutôt que le contenu, ce qui permet de mieux appréhender les pathologies auxquelles nous avons à faire.
En effet, ces sujets semblent constamment bombardés de sensations que rien ne vient arrêter (perméabilité sensorielle), comme si elles étaient traversées par tout, tout le temps, faute d’une membrane contenante, délimitante et protectrice.
D. Anzieu définit un préalable à l’activité psychique, la constitution d’un Moi-peau, entité somato-psychique avec une face interne et une face externe, permettant au psychisme de se déployer sans risque, du fait de la délimitation préalable d’un espace psychique.
Le Moi-peau fonde donc la possibilité même d’accéder aux représentations et à la pensée, processus de psychisation nécessitant l’existence préalable d’un cadre.
Le Moi-peau de l’enfant se construit dans la phase de symbiose mère-enfant, lorsque la mère assure une fonction de contenance (bien-être, protection) envers son bébé.
Dans sa relation avec sa mère, l’enfant fait l’expérience de différents types d’enveloppes corporelles : enveloppes tactiles, de douceur, de chaleur, enveloppes sonores, visuelles, olfactives.
Introjectées, elles constituent l’enveloppe psychique.
Ce modèle d’organisation du Moi et de la pensée donne une place prépondérante à la sensorialité tactile et D. Anzieu établit un parallèle entre les fonctions de la peau et les fonctions du Moi.
Enveloppe contenante et unifiante, barrière protectrice et filtre définissent les fonctions remplies par la peau et par son corollaire psychique, le Moi-peau.
Plus tard, et en appui sur le Moi-peau, D. Anzieu (1986) a proposé le concept d’enveloppe psychique groupale et de peau groupale, qui permet l’établissement d’un état psychique transindividuel.
Il convient d’articuler ce concept à celui d’appareil psychique groupal (1976) avancé par R. Kaës, appareil conçu comme une structure psychologique propre, qui demeure étayée sur les appareils psychiques individuels.
Lorsque des personnes participent à un même groupe, elles mettent en commun et produisent une réalité psychique propre au groupe et à sa vie imaginaire.
L’appareillage des psychés des individus entre eux désigne comment chacun prend part au groupe avec les autres et se transforme au contact de ces autres et du groupe.
Cet appareillage est dû à un effet de résonance entre le monde interne de chaque individu et ce qu’il trouve à l’extérieur de lui, sa propre « groupalité interne » s’associant avec celle des autres pour former de manière originale des processus groupaux.
L’appareil psychique groupal résulte de la tension psychique née de la confrontation entre les appareils psychiques de chaque individu.
Ils se caractérisent ainsi par un certain type de pensées groupales, de fantasmes communs et d’instances partiellement partagées.
Ils permettent plus ou moins de contenir la singularité de chacun de ses membres.
Dans cette perspective, un des intérêts principaux du recours aux psychothérapies de groupe, dans le traitement de la psychose, consiste à articuler enveloppes psychiques individuelles et groupales.
Les processus en jeu dans l’appareil psychique groupal témoignent des différents états des enveloppes psychiques, de leurs altérations et des modalités de leur formation.
Le travail thérapeutique groupal mobilisera tout d’abord un processus d’introjection de la fonction contenante du groupe, pour pouvoir instaurer ou restaurer les enveloppes psychiques.
Didier Anzieu (1987, 1990) systématisera ce concept d’enveloppe psychique, à partir de sa conceptualisation du Moi-peau, en distinguant deux couches différentes, une externe qui joue le rôle de pare-excitation et une couche interne à fonction réceptrice, qui permet l’inscription de traces.
Il différencie donc l’enveloppe d’excitation de l’enveloppe d’inscription et montre que la constitution de l’enveloppe psychique passe d’abord par l’indifférenciation, puis par le dédoublement des feux feuillets de l’enveloppe, et enfin par leur emboîtement.
G. Haag met en avant que l’état de l’enveloppe psychique groupale permet ainsi de différencier les groupes à composante autistique des groupes à composante de psychose symbiotique.
Pour nous qui avons peu d’éléments dans les dossiers et de la part des cliniciens susceptibles de nous renseigner sur le terrain quand à une discussion plus psychopathologique au sujet des personnes, ces travaux sont d’une grande importance.
G. Haag a montré en 1985, à partir des théorisations de F. Tustin et de D. Meltzer, que l’autisme se caractérisait par la non-constitution du premier contenant, de nature rythmique, alors que la psychose symbiotique se définissait par la perte ou la fragilité de ce premier contenant.
Anne Brun (2007) montre comment, dans le cadre de groupe à médiation avec des enfants autistes et psychotiques, le traitement du médium malléable matérialise les différents états de l’enveloppe psychique groupale, qu’il contribue à instaurer ou à restaurer dans sa fonction contenante.
Puis elle propose d’aborder la réalité psychique de groupe, en avançant l’idée que le rapport de chaque enfant à la réalité matérielle du médiateur reflète pour chacun la réalité historique et psychique de son rapport primaire à l’objet, réactualisée et élaborée groupalement dans la réalité psychique de groupe.
Enfin, elle spécifie différents aspects de la dynamique transférentielle, focalisée par le médiateur, à l’articulation des vécus transféro-contre-transférentiels du groupe.
1.3.3 La médiation thérapeutique : quelques points généraux
Les médiations thérapeutiques sont proposées à des patients qui présentent des désordres et des troubles importants de la personnalité, à des personnes psychotiques ou qui souffrent de pathologies narcissiques, identitaires. Ces thérapies consistent d’abord et avant tout à prendre en compte le langage du corps et de l’acte, là où la parole ne suffit pas, et ainsi engendrer un travail de symbolisation qui a été mis en échec ou est resté en suspens.
Comme le souligne B. Chouvier (2002), l’acte même qui permet de transformer la matière brute en objet construit est un acte qui peut être qualifié, en lui-même, de symbolique.
Le passage d’un état à un autre dans le cadre de la matérialité du médium a aussi des effets de passage dans le cadre de l’intériorité.
Chaque matériau, chaque médium a des spécificités qui lui sont propres, en fonction tant de sa matérialité que de ce qu’il est à même de réactiver sur le plan psychique pour celui ou celle qui se risquera à le manipuler. C’est en fonction de ces spécificités et en résonance avec une ou des problématiques psychiques particulières que se construira le cadre du dispositif.
Des matériaux comme la terre ou la peinture ont la particularité de faire appel à la sensorialité, de la réactiver. Elles impliquent le corps et permettent de travailler tout particulièrement avec les registres de l’archaïque et du primaire, en deçà de la représentation et de la mise en mots.
Le collage permet de réunifier en un tout singulier sur un autre support des morceaux épars choisis et découpés dans une première image.
L’écriture, le conte ou le théâtre feront appel à d’autres registres (même si les dimensions corporelle et sensorielle y sont très présentes), la mise en récit, mise en scène, mise en mot sera recherchée.
Nous allons le voir, différents registres sont sollicités dans la pratique par la médiation thérapeutique.
B. Chouvier distingue deux sortes de médiations dans le champ thérapeutique.
Celles qui sont « déjà là » : le conte, les jouets, les images ou les photos, qui confrontent le sujet à sa capacité de réagir face à des objets concrets mis en sa présence et suscitent une dimension active de sa part et qui sont, comme il les qualifie, des embrayeurs d’imaginaire. Ils réactivent ce qui est resté en panne chez le sujet du fait d’un blocage interne.
Ensuite, il y a celles qui sont « à construire » : partant de matières premières proposées au sujet (peinture, crayons et feutres, collage, terre.) La créativité ici à l’œuvre se manifestera dans une réalisation qui aura valeur d’objet.
Ce qui est décisif est la mise en place d’un dispositif rigoureux. Ce dernier est le résultat d’une co-construction entre le ou les patients et le ou les thérapeutes. L’objet médiateur favorise la création de liens entre le patient et le clinicien, ainsi qu’entre les patients eux-mêmes.
B. Chouvier précise :
‘« A partir de ces liens, s’opère un processus de changement à valeur thérapeutique. Dans les médiations artistiques, l’objet médiateur n’opère que parce qu’il inscrit le processus de symbolisation qui le constitue au cœur d’une relation avec autrui comme objet transférentiel. »21 (p32)’
Et comme il le souligne plus loin :
‘« [...] Ce qui soigne, c’est d’abord et avant tout la rencontre avec un soignant et la mise en jeu d’un champ transférentiel. L’objet a pour fonction essentielle de favoriser et de faciliter l’ouverture à l’intersubjectivité.» (p. 33)’
Toujours selon l’auteur, le thérapeute va accompagner le patient dans son cheminement, l’étayer narcissiquement et le faire évoluer dans sa structuration psychique, au fur et à mesure de la confrontation concrète avec le matériau et des progrès dans la maîtrise des figures fondamentales de la relation à l’objet : fond-forme, contenant-contenu, partie-tout, inclusion-exclusion.
Afin d’appréhender la dynamique de la médiation, il convient d’interroger à la fois les conditions de la mise en place d’un dispositif singulier et le statut propre de l’objet médiateur dans le travail thérapeutique groupal.
Créer un groupe thérapeutique à médiation requiert une réflexion préalable et une analyse qui se prolongent pendant toute la durée du groupe. Le médiateur n’est ni imposé ni improvisé. Comme le souligne B. Chouvier22, si le médiateur n’est pas suffisamment investi par le ou les thérapeutes, il ne peut réellement remplir ses fonctions d’intermédiaire et de dépôt transférentiel pour l’ensemble du groupe. Il est non seulement investi à l’intérieur du groupe, mais aussi connu et pratiqué pour soi dans un cadre extérieur, choisi comme activité artistique à laquelle les thérapeutes du groupe ont accès personnellement. Comme le demande Marion Milner, l’analyste doit être amoureux du médium choisi (2000).
Se pose ensuite la question de la mise en place du cadre. La nécessité d’un ajustement entre la représentation préconçue, la représentation adaptée et la réalité de la mise en œuvre du dispositif va de pair avec la prise en compte des indications. Les pathologies concernées par le groupe à médiation dépendent du contexte institutionnel et de sa souplesse d’adaptation.
Les patients retenus pour le groupe vont avoir besoin, pendant tout un temps, de régulation préliminaire, de s’approprier et le cadre et le dispositif, ce qui exige de ces derniers une suffisamment grande plasticité.
« Rien ne peut se passer comme prévu » ou plutôt, tout demande à être négocié afin qu’advienne une dynamique psychique de nature groupale coétayée sur la psyché des thérapeutes.
B. Chouvier indique :
‘« Le médiateur n’apparaît dans ce premier temps d’adaptation que comme un objet de négociation intersubjective. »’
Il ne pourra fonctionner dans sa spécificité qu’une fois opérés les réglages successifs de l’appareil psychique groupal.
Le lieu au sein duquel se déroule l’atelier doit constituer un espace spécifique qui ne soit pas réductible à un acte et qui persiste dans son identité de cadre, d’une séance à l’autre.
Pour ces patients, enfants ou adultes qui ne savent pas « jouer sans détruire » ou qui n’ont pas véritablement accès au jeu, les médiations du groupe thérapeutique viennent relancer la dynamique de la symbolisation. L’auteur propose que l’objet médiateur constitue un « facilitateur de la processualisation interne. » Plus les médiateurs sont investis et plus l’attraction affective est forte, qui sert de moteur au changement interne.
Comme A. Brun (2007) le rappelle23 :
‘« Dans cette logique, il ne s’agit pas, pour le clinicien qui use de médiations thérapeutiques, de privilégier seulement l’expression d’une fantasmatique afférente à une production, mais d’interroger l’interaction entre la verbalisation associative, le lien transférentiel et le registre sensori-perceptivo-moteur en jeu dans l’exploitation de la médiation artistique. » (p. 32)’
P. Attigui (1993), qui travaille l’expression théâtrale avec des patients psychotiques indique que le jeu offre l’occasion d’avoir accès aux images dont le patient est pétri, et ainsi de pouvoir les utiliser, grâce à la mise en œuvre de la fonction symbolique.
Elle souligne que :
‘« Quelle que soit la nature du joueur, jouer implique toujours un rêve, une évasion, la pratique d’un imaginaire. C’est cela qui décide du caractère thérapeutique de l’activité ludique dans son ensemble » 24. (p. 41)’
Elle précise plus loin qu’en favorisant le jeu théâtral, on assiste en quelque sorte à une « désaliénation de l’imaginaire », ce dernier retrouvant sa place. Si dans certaines psychoses, en particulier les schizophrénies l’imaginaire est proliférant, l’auteur souligne que dans d’autres cas il se trouve singulièrement rétréci et appauvri, un peu comme si la personne en était privée. Nos sujets nous donneront parfois la même impression d’inertie.
Mais est-ce bien le cas ?
P. Attigui soutient l’idée qu’en fait l’imaginaire du psychotique est restreint, en certaines occasions, du fait qu’il se trouve envahi par le réel.
Elle dit qu’en ce qui concerne le travail d’identification ludique (donc consciente) au théâtre, le sujet psychotique parvient à constituer une image, son personnage, qui sera comme par effet de miroir un point d’appel à la restructuration de ses propres identifications. Ces dernières, « cette fois-ci ni projectives ni pathologiques », pourront s’inscrire positivement au fil du temps et des exercices répétés. En effet, le sujet pourra, grâce au travail de l’acteur, opérer activement et délibérément « un dédoublement de la personnalité lui renvoyant alors inconsciemment ce qu’il en est pour lui de son propre morcellement.» (p. 53)
L’auteur précise que le patient psychotique a, tout comme l’enfant qui découvre son image dans le miroir, besoin de s’assurer de la permanence de celle-ci, donc de son sentiment d’exister en l’éprouvant ludiquement. Cette relation spécifique à la réalité se voit confirmée dans l’expression théâtrale, grâce à la présence du spectateur. Ce dernier est en effet un miroir supplémentaire assurant à l’acteur la réflexion de sa capacité identificatoire dans la réalité.
Notes
21.
CHOUVIER B. (2010) La médiation dans le champ psychopathologique, Le carnet psy, février, n°141 Les médiations thérapeutiques, p. 32-34.
22.
CHOUVIER B. (2007), Dynamique groupale de la médiation et objet uniclivé, in PRIVAT P., QUELIN-SOULIGOUX D., Quels groupes thérapeutiques ? Pour qui ? Erès, 208 p., p. 19-32.
23.
BRUN A. (2007), Médiations thérapeutiques et psychose infantile, Paris, Dunod, 283 p.
24.
ATTIGUI P. (1993), De l’illusion théâtrale à l’espace thérapeutique, Jeu, Transfert et psychose, Paris, Denoël.
1.3.4 Sensorialité et traces hallucinées
Dans ses récents travaux sur la médiation picturale avec des enfants psychotiques, Anne Brun (2007) propose que la sensorialité du médiateur réactualise chez l’enfant psychotique des expériences somato-psychiques impensables, qui relèvent souvent du registre des « agonies primitives », telles qu’elles ont pu être décrites par Winnicott. Elles vont se présenter sous la forme de « sensations hallucinées », provoquées par la rencontre avec le médiateur.
Il s’agit donc d’un processus qui fait coïncider hallucination et perception : c’est bien la manipulation du médium malléable, à travers les sensations qu’il procure qui ré-active chez le psychotique ces vécus psychocorporels, se présentant sous forme de « sensations hallucinées.» Ces dernières appartiennent au registre de l’activité psychique originaire (Aulagnier, 1975).
Cette émergence de « sensations hallucinées » dans la rencontre avec le médium servira de support aux processus de symbolisation.
Prenant appui sur la théorie de P. Aulagnier (1975) au sujet de l’originaire, A. Brun souligne le rapport de spécularité entre l’enfant psychotique et le médium (l’enfant qui s’identifie et se reflète dans la matière à partir de ses qualités sensorielles, peut devenir fragment de matière et réciproquement vivre celle-ci comme fragment de son corps propre).
La sensorialité est la première modalité de rencontre avec le monde, entre l’être humain et son environnement (même avant la naissance).
La sensation se présente comme la matière qui impulse l’investissement psychique. Pierra Aulagnier souligne le caractère indifférencié de l’activité psychique originaire, postulant la coalescence de l’affect et de la représentation, qui prennent l’un et l’autre pour support la sensorialité.
S. De Mijolla-Mellor (2002), cité par A. Brun (2007), nous explique :
‘« On désigne par « l’originaire » l’ensemble des représentations produites à l’orée de la vie psychique lorsque celle-ci est encore en deçà des différenciations interne/externe ou psyché/sôma. L’originaire ne se confond pas avec l’origine (phylogenèse, traces d’événements traumatiques) de la vie fantasmatique mais en constitue une première expression, avec ses contenus et sa logique propres. Jamais observés directement, l’originaire et son fonctionnement ne peuvent être qu’inférés à partir notamment des processus propres à la psychose, auxquels celle-ci ne se réduit pas cependant. L’originaire comme catégorie substantive n’est pas utilisée par Freud [...]. » ’
L’activité sensorielle, notamment avec les schémas de l’hallucination primitive, amène la psyché à se représenter la rencontre entre organe des sens et objet (réel ou halluciné) et elle déclenche donc l’activité originaire.
L’activité du processus originaire emprunte son fonctionnement au travail de métabolisation propre à l’activité organique, qui prend la forme d’une oscillation entre prendre en soi et rejeter hors de soi (la psyché va métaboliser en éléments d’auto-information les excitations à source corporelle, c’est-à-dire les stimuli qui proviennent de l’extérieur).
A. Brun (2007) précise :
‘« L’originaire se caractérise par une absence de différenciation entre la psyché, le corps propre et le monde extérieur, donc par une absence de dualité : autrement dit, il s’agit en quelque sorte de prendre en soi ou de s’auto-rejeter. » (p. 152)’
Le pictogramme définit un type originaire de représentation, qui ignore la dualité entre l’agent qui représente (la psyché) et l’agent qui est représenté (le corps, le monde extérieur ou sa propre activité psychique). Le prototype du pictogramme est la rencontre originaire sein/bouche : le sein inséré dans la bouche fait partie du corps propre, sans discontinuité corporelle et le pictogramme dans l’originaire va mettre en scène la bouche et le sein comme une entité unique et indissociable.
Le pictogramme se présente donc sous la forme d’une sensation hallucinée. Un bruit, une odeur, une proprioception concernant l’intérieur du corps propre font brusquement irruption dans l’espace psychique et l’envahissent complètement :
‘« Le sujet n’est plus, ne peut plus être, n’a plus été que cette fonction percevante (auditive, olfactive, proprioceptive) indissociablement liée au perçu : le sujet est ce bruit, cette odeur, cette sensation et il est conjointement ce fragment et ce seul fragment du corps sensoriel mobilisé, stimulé par le perçu. » (Aulagnier (1986), citée par A. Brun, p.398)’
C’est donc « l’emprunt fait au sensoriel » qui permet à la psyché de s’auto-informer, dans la représentation pictographique, d’un état affectif qui la concerne. L’affect, en tant qu’éprouvé de l’originaire, est représenté par une action du corps.
Voici un exemple de pictogramme proposé par P. Aulagnier (1986) :
‘« Imaginez quelqu’un qui tombe brusquement dans un précipice, et qui ne tient que raccroché par une seule main à l’unique et fragile saillie d’un rocher. Pendant ce temps, il ne sera plus que cette union « paume de la main-morceau de pierre », et il doit n’être que cela s’il veut survivre. Tant que cette perception tactile existe, il est assuré qu’il vit, qu’il n’est pas déjà en train de plonger dans le vide. » (p. 398)’
Anne Brun (2007), souligne que ce fond représentatif originaire, forclos selon P. Aulagnier du connaissable mais pas irreprésentable, toujours à l’œuvre chez tout sujet, coexiste avec deux autres modes de fonctionnement de l’activité psychique, le processus primaire, défini par la représentation fantasmatique ou le fantasme, et le processus secondaire, défini par la représentation idéique ou l’énoncé. Elle indique que :
‘« L’activité psychique passe donc de la mise en forme (de l’originaire infigurable), à la mise en scène (registre du primaire) à la mise en sens (registre du secondaire). » (p. 154)’
La fécondité clinique de la théorie de l’originaire consiste à montrer la prédominance de ce fond représentatif de pictogrammes dans la psychose, où affleurent les images de chose corporelles, renvoyant à un corps s’auto-avalant, s’automutilant, s’autorejetant. Dans cette perspective, A. Brun avance l’hypothèse que, dans un cadre de thérapie médiatisée, des sensations hallucinées de l’ordre des pictogrammes s’actualisent à partir des sensations provoquées par la matérialité du médiateur et par la mise en jeu de la sensori-motricité.
Elle donne des exemples où l’enfant devient pure sensation et où il est ce « seul fragment du corps sensoriel mobilisé, stimulé par le perçu.»
Ce cadre de thérapie médiatisée active pour les enfants psychotiques une dynamique de figuration des pictogrammes, ce qui va conditionner leur mise en forme d’une matière informe qu’on peut désigner comme matière à symbolisation (Brun, 2007, p154).
Selon cette hypothèse, le contact avec le médium permet à l’enfant une saisie d’une image de lui-même, qui rentre en résonance avec des représentations pictographiques de lui-même.
Anne Brun donne l’exemple suivant : le Je peut être réduit à une « sensation main agrippée à la feuille » ou à un « moi/pinceau englouti dans la peinture ».
Encore, le Je de l’enfant peut se refléter dans la peinture comme « anus/caca/liquéfié/vidangé », etc.
L’auteur précise :
‘« Le désir tend à se satisfaire sur le mode hallucinatoire au cours d’un mouvement auto-érotique où le perçu est auto-engendré par la psyché (halluciné) »25. ’
L’auteur rapproche ce retrait dans l’hallucination du retrait autistique où, la psyché, pour survire ou pour éviter sa néantisation, hallucine une perception sensorielle issue d’une représentation pictographique à laquelle le sujet s’agrippe dans une sorte d’indistinction entre lui et le monde.
Les dispositifs thérapeutiques à médiation sont donc particulièrement intéressants pour les patients qui présentent des « ratés » de la symbolisation primaire comme les patients autistes ou psychotiques qui n’ont pu se constituer d’identifications précoces intracorporelles.
Au sein de notre dispositif, la matière terre sera à la fois le corps de celui qui la manipule et un représentant du thérapeute (le médium malléable) qui peut être touché, atteint sans changer de nature. Le modelage offre un terrain privilégié de jeu même si l’élément malléable peut éveiller certaines angoisses.
Notes
25.
AULAGNIER, P. (1986) Le retrait hallucinatoire : un équivalent du retrait autistique ? in Un interprète en quête de sens, Paris, Ramsay, p.395-410.
1.3.5 La dynamique transféro contre-transférentielle dans les groupes à médiation
Les dispositifs de médiation thérapeutique tels que nous les désignons se réfèrent donc à la psychothérapie psychanalytique et prennent en compte la dynamique transféro contre-transférentielle, qu’ils ne se contentent pas d’aborder, mais d’analyser.
B. Chouvier (2002), nous dit que :
‘« Expression et signifiance ne sont potentialisables qu’à l’intérieur d’une adresse transférentielle qui dynamise, sensualise et actualise la mise en jeu de l’objet. Repéré, pointé, analysé ou interprété, le transfert devient, à l’extrême, le vecteur primordial et central de toute processualisation créative dans un cadre thérapeutique.26 » ’
Chaque interaction est empreinte des phénomènes transférentiels par rapport au thérapeute, au groupe, à l’institution, ainsi qu’aux sujets entre eux.
Une démarche expressive se vectorise nécessairement dans l’intersubjectivité.
L’objet se construit à partir du transfert.
L’atelier peut alors se proposer comme une aire d’expérimentation de la séparation du sujet de l’objet et surtout pour symboliser cette séparation, pour trouver ainsi la bonne distance avec « l’objet du fantasme. » Cette extension corporelle sur l’œuvre plastique associée à l’activité psychique, fait de la production plastique en thérapie un reflet sensoriel du vécu transférentiel (Bayro-Corrochano, 1999). Par sa mise en forme ou sa figuration, elle permet au fantasme inconscient de s’inscrire dans l’œuvre.
Le corps, support de la sensorialité, est lié comme nous l’avons vu, topologiquement à l’expression plastique et au fantasme inconscient.
Rien d’étonnant à ce que dans ce type d’atelier, il existe des moments de grande tension transférentielle, propre à la dialectique inconsciente des polarités comme sujet-objet, dedans-dehors, plaisir-déplaisir, monde interne-monde externe.
Mais l’œuvre plastique n’est pas l’inconscient « interprétable » comme tel. C’est par les effets qu’elle produit sur le thérapeute et par la mise à jour des processus psychiques qui accompagnent la production du sujet que l’inconscient s’actualise. La spécificité de la production plastique est de produire un « effet-affect » (Bayro-Corrochano, 2001), qui noue le lien transférentiel dans le cadre thérapeutique. Cet « effet-affect » serait ensuite la condition d’un travail de lecture, de signification, de parole à deux sur la production, sur les émotions afin d’y retrouver dans l’après-coup de la production le travail psychique du sujet.
Plus qu’une interprétation dans le sens « classique », la situation thérapeutique avec la peinture ou avec le modelage permettrait de «greffer» du symbolique dans la psychose (en référence aux travaux de G. Pankow). Ces objets produits, par les effets qu’ils ont sur le thérapeute, exigent de lui une position éthique : reconnaître que la production porte quelque chose du sujet en lienà sontravail inconscient de figuration. C’est grâce à cette reconnaissance qu’une mise au travail signifiant de l’expression plastique peut être engagée par celui qui modèle ces objets concrets aussi bien que par celui qui les reçoit.
Nous proposerons dans la partie suivante (ayant trait à la méthodologie clinique) une hypothèse concernant spécifiquement la place occupée par le médium dans la position contre-transférentielle, ainsi que l’attitude du thérapeute dans ce cadre de dispositifs à médiations, lesquels présentent des particularités qui méritent d’être questionnées.
Nous proposerons l’hypothèse d’une interprétation modelante, qui serait la reprise dans le contre-transfert du thérapeute des formes modelées.
Anne Brun (2007) fait l’hypothèse que la spécificité de l’interprétation dans ce cadre thérapeutique consiste pour le thérapeute à ne pas interpréter seulement avec des mots, mais à mettre en jeu la sensorialité du langage dans sa dimension sonore et visuelle, tout en intervenant aussi avec certaines modalités de passage par l’acte, à portée symbolisante.
P. Attigui (1993), qui travaille avec des personnes psychotiques à partir de l’expression théâtrale, souligne, quant à elle, que mettre en jeu son corps en tant que thérapeute, c’est pouvoir donner à l’autre l’occasion d’un contact offrant une « certaine qualité d’attitude ». Cela renvoie aux premières situations ayant permis au nouveau-né de se structurer dans un environnement donné, en ce temps de la créativité originelle (p. 68).
Au sujet de l’interprétation, l’auteur précise que dans ce cadre qu’est l’expression théâtrale, les thérapeutes ne verbalisent jamais au patient l’identification du jeu avec sa vie.
‘« Nous demeurons volontairement dans l’aire ludique, notamment en jouant nous-mêmes, en parvenant à formuler certains commentaires parfois métaphoriques sur l’action développée, qui est par essence fictive, la somme de ces actions ayant valeur d’interprétation »27. (p. 81)’
Le médium malléable pourrait bien se proposer aussi comme lieu d’inscription, de mise en forme et de dépôt de la relation transféro-contre-transférentielle dont il focalise les enjeux. La matière, n’appartenant pas plus au patient qu’au thérapeute, pourrait se présenter comme un « entre-deux » à animer de part et d’autre, à mettre en forme, à agencer comme espace de rencontre.
Notes
26.
CHOUVIER B. (2002), Les fonctions médiatrices de l’objet, in CHOUVIER B. et al., Les processus psychiques de la médiation, Paris, Dunod, 286 p., p. 29-43.
27.
ATTIGUI P. (1993), De l’illusion théâtrale à l’espace thérapeutique. Jeu, transfert et psychose, Paris, Denoël, 221 p., L’espace analytique.
1.3.6 Les fonctions médiatrices de l’objet :
objet médiateur, objet de relation, objet de transformation
Le terme « médiation » n’étant pas un concept psychologique, il peut exister une confusion entre les terminologies de médiation, objet médiateur, objet intermédiaire, objet transitionnel (seul terme associé à une théorie spécifique), objet de relation...
Il est ici question de l’objet chose, et non de celui de la « relation d’objet.» Cet objet-chose engage la perception et la motricité dans une expérience spatiale.
La « médiation » est un terme qui supporte une large acception renvoyant à des notions connexes qui regroupent, en fait, des réalités en partie différentes, du moins ne se recoupant pas totalement, ou qui mettent l’accent sur telle ou telle dimension de la médiation, ou tel ou tel aspect de sa fonctionnalité, avec des statuts métapsychologiques plus ou moins affirmés. C’est ainsi qu’il convient de différencier des notions proches quoique distinctes comme :
L’objet de relation, expression proposée par Marcel Thaon, Christian Guérin, Guy Gimenez et l’équipe du Centre des Objets de Relation à Arles, à partir de 1985, vient souligner à la fois l’extériorité de cet objet et sa fonction relationnelle. Il s’agit pour ces auteurs de s’interroger sur :
‘« La place, la fonction et la valeur psychique des objets externes dans le travail clinique, mais aussi dans le développement psychique de l’individu.» (M. Thaon, 1990, p.5)’
Cette confrontation à l’objet externe pourrait avoir fonction de repère pour la cohésion interne du sujet. C’est essentiellement dans la relation psychothérapique que l’objet de relation est envisagé, jouant les fonctions de relais dans la communication consciente et inconsciente, et d’articulation de deux ou plusieurs subjectivités. Ch. Guérin (1988) précise :
‘« La catégorie des objets de relation nous permet de penser comment deux subjectivités s’appareillent l’une à l’autre à partir d’un objet et sur la base d’investissements différentiels.» ’
Dans une perspective intersubjective, insistant sur la fonction relationnelle de l’objet en psychothérapie, les auteurs du COR considèrent donc les objets de relation comme constituant une interface qui rend compte de l’état de la relation.
La notion d’objet de relation ne désigne pas la médiation en elle-même, mais les objets du cadre comme susceptibles, à certains moments, d’appareiller des psychés par leur investissement conjoint avec la tonalité affective d’une rencontre élationnelle (G. Haag, 1987).
G. Gimenez (1995) indique que :
‘« Pour rendre la rencontre possible, l’objet de relation a une fonction pare-excitative. Il filtre la violence fondamentale sous-jacente à toute rencontre et il permet au patient et au clinicien de se pare exciter réciproquement. 28 » (p. 61) ’
Par sa concrétude et son existence comme objet externe, il est un support qui peut recevoir les émotions qui risqueraient de déborder le clinicien (et le patient) et rendraient impossible le travail psychique.
Dans le même article, l’objet de relation est envisagé comme objet partagé :
‘« L’objet de relation est en effet un objet de partage qui peut être utilisé par les deux interlocuteurs ; en cela il s’oppose à l’objet transitionnel qui est un objet privé. De par sa concrétude et son existence propre, l’objet de relation permet de déplacer au dehors, d’externaliser, sur un objet concret, ce qui se joue entre deux personnes ou plus : à travers l’objet, le patient peut ainsi scénariser des facettes de la dynamique transférentielle, plus facilement repérable et analysable. » (p. 88)’
L’objet de relation a une fonction d’interface, il est un articulateur entre le thérapeute et le patient. Comme l’a montré Ch. Guérin, cette articulation s’effectue à un triple niveau : physique grâce à ses propriétés singulières, irréductibles au fantasme ; psychique à travers les investissements différenciés dont il est le support et la forme ; groupal en tant que dépositaire des parts communes des sujets en présence.
Nous n’utiliserons pas cette conception dans le cadre de notre dispositif, étant donné que chaque objet est présenté par le thérapeute (et donc pré-investi par ce dernier), comme faisant partie du cadre. Néanmoins, soulignons que l’objet médiateur est porteur de certaines des qualités propres à l’objet de relation tel que nous venons de le décrire (qualité d’interface, de dépôt).
Citons aussi le concept très connu d’objet transitionnel tel que l’a théorisé D.W Winnicott (1971).
Le modèle de l’objet transitionnel est en quelque sorte le modèle princeps des objets médiateurs en psychothérapie. On ne peut affirmer, cependant, que ces derniers soient des objets transitionnels à proprement parler qui appartiennent plus directement à la relation entre la mère et l’enfant, mais ils ont place dans ce que D.W. Winnicott appelle plus généralement les phénomènes transitionnels. Il définit l’objet transitionnel comme la première possession non-Moi.
Comme prototype des phénomènes transitionnels, ils constituent à eux deux une :
‘« […] aire intermédiaire d’expérience qui se situe entre le pouce et l’ours en peluche, entre l’érotisme oral et la véritable relation d’objet, entre l’activité créatrice primaire et la projection de ce qui a déjà été introjecté, entre l’ignorance primaire de la dette et la reconnaissance de celle-ci […]» ’
L’espace intermédiaire, auquel la médiation contribue, est un espace neutre d’expérience où la distinction entre l’implicite et l’explicite de cet objet trouvé-créé n’a pas à être formulée, de sorte qu’elle revêt, comme l’objet transitionnel, un caractère de paradoxe contenu.
Cette chose, l’enfant l’a-t-il conçue ou lui a-t-elle été présentée du dehors ?
« L’important est qu’aucune prise de décision n’est attendue sur ce point.»
Citons brièvement d’autres théorisations mais auxquelles nous n’aurons pas recours, essentiellement par choix afin de ne pas nous éparpiller, mais parce qu’elles nous apparaissent reprendre de manière trop formelle des travaux déjà connus, ou mal s’appliquer à notre propos.
Ainsi en est-il de l’objet transformationnel selon Ch. Bollas (1989), notion qui désigne le résultat de la transformation de l’affect dans son état brut pulsionnel à partir d’un objet qui fait tiers. Pour cet auteur, le holding winnicottien introduit l’idée de transformation. Il en fait un paradigme du transfert, et souligne qu’avec la création par le nourrisson de l’objet transitionnel, le processus de transformation se trouve déplacé de l’environnement-mère (d’où il s’origine) aux multiples objets subjectifs, de telle sorte que cette phase transitionnelle peut être considérée comme étant l’héritière de la phase de transformation, le développement du nourrisson allant de l’expérience du processus à l’élaboration de l’expérience.
C. Vacheret (2000) quant à elle propose la notion d’objet articulaire, mettant l’accent sur la dimension intersubjective de la médiation. Il s’agit d’un concept charnière entre la théorie psychanalytique de l’individu et celle du groupe. Il rend compte du dépôt d’une part commune à l’individu et au groupe dans le contexte groupal, et donc de la mobilisation de la groupalité psychique en appui sur la groupalité externe et les identifications multiples.
Enfin, citons aussi les objets autistiques, objets confusionnels, objets psychotiques, objets fétiches.
D.W. Winnicott (1971) signale que l’objet transitionnel peut devenir objet fétiche et persister comme tel à l’âge adulte. L’objet médiateur peut lui aussi être support à des investissements pathologiques défensifs et acquérir par exemple le statut d’objets ou de formes autistiques : objet dur et froid, nous dit F.Tustin (1980), ayant pour fonction d’entretenir l’illusion d’une carapace dans une indistinction du Moi et du non-Moi ou formes autosensorielles, souvent à partir des substances du corps. Il peut acquérir le statut d’objet confusionnel ou de forme confusionnelle (notion proposée par A. Ciccone et M. Lhopital, 1991) qui a, lui, une fonction de maintien de l’illusion d’une « brume » qui brouille la conscience du non-Moi sans complètement l’oblitérer.
Il en va de même de l’objet projeté dans l’autre dans l’identification projective. L’enjeu de la reconnaissance de la signifiance de ces objets et de leur valeur de message, c’est de les extirper de leur caractère de morbidité sclérosante pour qu’ils soient réappropriés comme expérience représentative.
Quant à l’objet psychotique, les mêmes auteurs proposent, pour plus de clarté par rapport à l’appellation d’objet syncrétique de F. Palacio-Espasa en appui sur le syncrétisme de J. Bleger (1967), de le nommer objet symbiotique qui, contrairement à l’objet autistique, est pour sa part organisé par le clivage. Ils le définissent ainsi :
‘« […] un objet clivé dont chaque pôle, persécuteur et idéalisé, attire fusionnellement, symbiotiquement, une partie clivée du moi. 29 » (p.114)’
L’objet médiateur :
Parce qu’il est porteur des qualités concrètes de sa matérialité, et des qualités abstraites de la relation, l’objet médiateur se situera dans son utilisation à la rencontre de la réalité extérieure et du monde psychique interne du sujet.
Tout objet, animé ou non, est support aux projections du sujet et du groupe. Le groupe lui-même peut donc être ce support mais aussi les éléments matériels et architecturaux : les murs, les meubles, etc.
Mais l’objet ne se manifeste comme tel qu’à partir d’une activité du moi, d’un moi suffisamment constitué. Cette distinction est utile pour nous car elle nous aidera à nous représenter l’avènement de « l’objet médiateur » comme un processus et non comme une donnée de départ. La fonction des éléments du cadre, qui feront éventuellement médiation, est d’être éprouvée au niveau d’abord perceptivo-sensori-moteur de la « chose.»
Il s’avère, en réalité, que la fonctionnalité du médiateur (ou médium) est différente selon les sujets et surtout selon la façon dont ils sont aux prises avec des distorsions dans leur propre croissance psychique et leur propre processus de symbolisation.
Ainsi, Anne Brun (2007) souligne, par exemple, combien les enfants psychotiques sont dans l’incapacité d’utiliser le médium comme objet transitionnel, c’est-à-dire comme un objet trouvé/créé.
En revanche, celui-ci peut œuvrer comme support pour rejouer :
‘« […] le processus d’échec répété de l’expérience du détruit/créé […]30» (p.69) ’
Elle donne d’ailleurs de nombreux exemples de processus thérapeutiques illustrant l’évolution des registres du détruit/détruit au détruit/créé avec le rôle essentiel joué par le retournement passif/actif. Ceci corrobore, comme nous le verrons, tout à fait nos observations.
En ce qui nous concerne, nous entendrons par médiations ou, à la suite d’Edith Lecourt (1995), objets médiateurs tout ce qui, dans la situation thérapeutique, objets concrets animés ou non, se définit comme tel non parce qu’il a été institué comme facilitateur de communication ou de projection, mais par son utilisation en intermédiaire entre soi et soi (le soi d’un processus jamais identique à lui-même), entre soi et l’autre, entre soi et la réalité extérieure, entre soi et l’objet de la « relation d’objet.» De par son statut d’intermédiaire, d’une part, et d’objet investi d’autre part, considérons le comme symbole ne serait-ce que de la symbolisation elle-même en admettant une acception large de la notion et surtout en l’admettant comme un processus plutôt que comme un « état des choses.» En effet, il nous apparaît qu’en fin de compte, parler d’objet médiateur fétichise la médiation, d’une certaine manière. C’est moins l’objet et sa valeur de symbole que son utilisation qui est importante, ce qui renvoie au concept d’utilisation de l’objet de D.W Winnicott.
Ce rappel des différents statuts possibles de la médiation ne doit donc pas faire oublier ce qui compte le plus dans ce qui nous occupe ici, à savoir le processus de symbolisation qui passe par l’utilisation de l’objet, et donc du médium malléable.
Si l’objet médiateur structure le cadre thérapeutique, prend la forme de la psyché du sujet, ou de l’appareil psychique groupal (Kaës, 1976) et induit un processus de symbolisation, il ne présente en revanche aucune portée thérapeutique en lui-même, indépendamment du cadre et du dispositif (Brun, 2007).
Au sujet des indications, certaines propriétés particulières selon le médium employé orienteraient-elles un type de travail plutôt qu’un autre ?
En fonction des caractéristiques (tactiles, visuelles, sonores, etc.) qui lui sont propres, les médiums n’impliquent pas le même travail de la sensorialité.
Anne Brun (2007) met en évidence que si un repérage des différentes qualités sensorielles propres à chaque médium peut être effectué, il semble préférable de se demander quelles composantes sensori-perceptivo-motrices de l’objet médiateur l’enfant ou le patient a ou va utiliser, et à quel moment du processus thérapeutique. Il s’agit plutôt d’observer la mise en jeu de la sensori-motricité du groupe de patients dans leur rapport au médium malléable, « pour pouvoir ensuite s’interroger sur ce qui a pu être symbolisé, grâce à telle ou telle qualité symboligène propre à la matérialité de l’objet médiateur. » (p. 45)
L’auteur souligne :
‘« Ainsi, la question de l’indication du médiateur, sur laquelle se focalisent souvent les équipes, semble impossible à traiter à priori, selon des règles générales, dans la mesure où chaque patient aura une utilisation singulière du médiateur proposé. » (p. 45)’
Si la question de l’indication du médium semble impossible à traiter de façon générale, nous souhaitons rajouter que l’indication peut néanmoins être pensée de façon singulière, à partir de ce que nous connaissons du parcours et du développement du patient, ainsi qu’en fonction non pas tant du médiateur que du dispositif au sein duquel il est proposé d’une certaine manière. En effet, par exemple avec la terre, on peut inventer plusieurs façons de la travailler, plusieurs dispositifs autres que celui que nous proposons.
Mais par exemple, dans notre cadre particulier, l’occasion récente nous a été donnée de réfléchir à la prise en charge en groupe (selon le même mode, mais avec un groupe d’adolescents présentant de graves troubles du développement), d’un adolescent très fragile, qui vient juste de dépasser, avec beaucoup d’angoisses, les différentes étapes que nous décrirons dans le dispositif (au sujet entre autres de la constitution de l’enveloppe psychique). Imaginer lui proposer la matière terre avec ses consonances régressives dans un tel dispositif nous a semblé très violent, comme si nous allions le confronter à nouveau à des angoisses insoutenables et à sa phobie du contact.
Il nous apparaîtrait plus juste de lui proposer une médiation comme le conte, dont la forme et le contenu se donnent comme un « déjà là.»
A notre sens, il importe de penser la question de l’indication qui nous semble très importante, mais pas tant à partir du médiateur, qu’à partir de la problématique spécifique et propre à chaque patient, ainsi et en résonance avec un dispositif particulier.
Notes
28.
GIMENEZ G., (1995), Objet de relation et gestion du lien contre transférentiel avec une patiente hallucinée : les couleurs d’une rencontre, in Actes des Journées du COR : Objet et contre-transferts, Arles, Hôpital Joseph-Imbert.
29.
CICCONE A. et LHOPITAL M. (1991), Naissance à la vie psychique, Paris, Dunod, nouv. éd. 2001, 317 p.
30.
BRUN A. (2007), Médiations thérapeutiques et psychose infantile, Paris, Dunod, 283 p.
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